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réfléchi et délicat qui en témoigne assez la modernité. Quand Jonas, sur l’ordre de Jéhova, a annoncé que la grande Ninive va être détruite, le roi et ses peuples se repentent et demandent grâce, et Jehova leur pardonne. Jouas est offensé de cette indulgence qui désavoue ses menaces, et il s’en plaint à son dieu. Cependant Jonas s’étant couché sur la terre, à l’ombre d’un arbuste qui avait poussé tout à coup, il arriva qu’un ver ayant rongé l’arbuste pendant la nuit, il se vit au matin exposé à un soleil brûlant. Il se répandit en plaintes, mais Jehova lui dit : « Tu voudrais qu’on eût épargné ce feuillage, pour lequel tu n’as pas travaillé, et que tu n’as pas fait pousser. Et moi, je n’épargnerais pas cette grande ville, où il y a plus de 1,20,000 créatures qui ne distinguent pas leur droite de leur gauche (c’est-à-dire plus de 120,000 enfans innocens) ! »

Cet écrit est donc au moins aussi moderne que ceux que j’ai étudiés jusqu’ici, mais il y avait longtemps alors que Ninive n’existait plus ; et il est clair d’ailleurs que ce n’est pas une ville réelle, que celle qui se convertit ainsi tout entière d’un seul coup à la parole d’un prophète. On est donc en pleine fiction, et il est probable que dans cette fiction la grande Ninive figure la grande Antioche.


Il y a un prophète Michée au premier livre des Rois (XXII, 9), au temps de Josaphat, roi de Juda, c’est-à-dire au début du IXe siècle ; mais la prophétie placée sous ce nom est donnée, dans le préambule, comme datant de plus de cent ans après.

Michée rappelle beaucoup Isaïe. On trouve même trois versets, pour célébrer l’ère glorieuse qui succède à tant d’épreuves, qui sont exactement les mêmes dans les deux écrits (Isaïe, II, 2-4, et Michée, IV, 1-3). De plus, Michée est le seul prophète, avec Isaïe, qui célèbre le personnage qu’on a appelé plus tard le Messie, et qui n’est autre que le prince libérateur qui apporte à la fois au peuple l’indépendance, la paix, et la grandeur (chap. V), c’est-à-dire Simon l’Asmonée.

Il est dit que le libérateur est né dans la petite ville de Bethléem (5-1), et on sait comment, en vertu de ce nom, les chrétiens se sont crus obligés de faire naître à Bethléem Jésus de Nazareth. Car à l’époque de Jésus, ou ne s’intéressait plus au lieu de naissance de Simon.

Nul n’a rendu plus vivement le retour d’Israël dans sa terre, devenue trop étroite, qui s’accomplit à cette époque : « Je te rassemblerai, Jacob, tout entier ; je ramasserai tous les restes d’Israël ; je les pousserai ensemble comme les moutons de Bosra, comme les