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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/568

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brebis dans la bergerie ; ils s’y presseront en foule tant qu’il y aura d’hommes, Celui qui fraie la voie marchera devant eux ; ils entreront et sortiront par les portes ; leur roi passera devant ; Jéhova sera à leur tête (2-12-13.) C’est Jéhova lui-même qui est le roi.

Je veux citer encore ce beau passage : « Avec quoi paraîtrai-je devant Jéhova ? Sera-ce avec des holocaustes, des génisses d’un an[1] ? Jéhova se soucie-t-il de milliers de moutons, de myriades de fontaines d’huile ? Donnerai-je mon premier-né pour mon (léché ? le fruit de mes entrailles pour le rachat de ma vie (6-6) ? » Cette dernière phrase fait bien voir ce qu’on voyait déjà, quoique moins clairement, dans Jérémie et Ézéchiel, que c’était bien à Jéhova lui-même qu’on faisait ces immolations d’enfans.

Jérémie (26-18) cite un verset de Michée (3-12), ce qui détermine la date relative des deux passages.


La prophétie de Nathan ne contient que la description très vive de la prise d’une ville emportée d’assaut, et cette ville est appelée Ninive.

J’ai déjà dit qu’au IIe siècle avant notre ère, il y avait longtemps que Ninive n’existait plus, et c’est ce qui explique que ni Isaïe, ni Jérémie, ni Ézéchiel n’aient pas une seule fois prononcé son nom.

Mais c’est inutilement que pour se rendre compte de cette prophétie, on voudrait remonter aux temps antiques ; il est impossible de la rapporter à ces temps. Lorsque Ninive a été véritablement prise et détruite, en 625 avant notre ère, ceux de Juda n’étaient pas ses sujets ; leur royaume subsistait encore, et le prophète n’aurait pu dire ce que dit Nathan, en s’adressant à la ville ennemie : « De toi est sorti celui qui pense le mal contre Jéhova… Ainsi dit Jéhova… Je t’ai humilié, je ne t’humilierai plus. Je briserai le joug qui est sur toi et je détacherai tes chaînes… Célèbre, ô Juda, tes solennités ; acquitte tes vœux ; car le méchant ne passera plus chez toi ; il est entièrement déraciné. »

Quant à une prétendue prise de Ninive, sous Sardanapale, au vin6 siècle, c’est une pure légende[2]. Et quand elle serait vraie, les versets que je viens de citer demeureraient toujours inexplicables.

Il faut donc en revenir au temps des Séleucides, et le roi d’Assur (3-18) est encore ici, comme dans les autres prophètes, le roi de

  1. C’étaient les victimes de choix (Lévit, 9, 3).
  2. « Il est certain aujourd’hui que la première destruction de Ninive est un roman historique. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, p. 363.