Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/574

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’église, l’accomplissement d’un devoir professionnel ; enfin, il rencontrait, dans l’organisation de la hiérarchie catholique et dans l’autorité qu’elle exerçait sur le monde, un secours puissant pour sa carrière politique.

À l’époque où il vivait, les croyances religieuses étaient, si l’on pont dire, le tout de l’homme. Hors quelques rares esprits indépendans n’ayant à répondre que d’eux-mêmes et des caprices de leur propre entendement, en dehors de quelques sceptiques, les Montaigne et les Charron, tout homme qui prenait part à la vie du temps était tenu d’avoir une foi.

Depuis un siècle, toute la politique de l’Europe tournait autour des questions religieuses. Non-seulement on avait vu les États se jeter les uns sur les autres au nom de ces idées, mais, dans chaque État, chaque citoyen avait dû prendre position et s’engager dans une croyance, non pas seulement avec sa conscience, mais avec ses intérêts, ses passions, sa vie tout entière.

Le XVIe siècle avait établi cette maxime que le citoyen doit professer la religion de l’État auquel il appartient (enjus regio, ejus religio), et, de fort bonne foi, on en était venu à confondre les hérétiques avec les rebelles : seulement, en pays protestant, ce nom s’appliquait aux catholiques, et aux protestans en pays catholique. Croire était un devoir civique.

D’ailleurs, l’hésitation ne pouvait guère naître dans les esprits. Ils étaient ainsi faits qu’ils acceptaient la foi docilement, à peu près comme nous faisons aujourd’hui l’idée de patrie.

Le caractère individuel ne se marquait que dans la nuance des opinions théologiques ou dans le choix des argumens invoqués pour défendre chacun la sienne.

Au début du XVIIe siècle, la lutte était encore ardente entre protestans et catholiques.

Un peu plus tard, elle se transforme et porte, en France du moins, sur les débats du gallicanisme et de l’ultramontanisme. C’est le temps des Richer, des Duval et des Bellarmin.

Un peu plus tard, la querelle se raffine encore et c’est le jansénisme qui s’insurge contre le molinisme. On dispute sur les problèmes, pour nous si fastidieux, de la grâce, de la contrition et de l’attrition. Nous faisons un effort pour essayer de comprendre l’intérêt que nos pères portaient à leur étude. Il n’y avait pas alors un homme du monde, une femme qui ne se passionnât pour leur solution. Les Provinciales de Pascal devaient être le grand livre du siècle.

Toute la vie sociale et individuelle aboutissaient là, comme elles aboutissent, de nos jours, aux dissentimens politiques. Les