Ils sont pourtant sensiblement meilleurs que la plupart de ceux que nous a laissés cette époque. Ce sont bien encore les concetti, le gongorisme, le pédantisme et l’abus presque dégoûtant de la comparaison scientifique ou médicale. Mais il semble qu’on y trouve parfois autre chose, écoutons le jeune évêque s’adressant, le jour de Noël, aux fidèles de son diocèse.
« Verbum euro faction est. Nous lisons dans le texte de notre évangile que, lorsque l’ange annonça la naissance de Jésus-Christ, les pasteurs furent les premiers auxquels il s’adressa et commit cette sainte nouvelle pour, après, répandre par le monde.
« J’ai cru, peuple catholique, que la divine providence, qui conduit toutes choses avec une infinie sagesse, en avait ainsi usé pour nous apprendre que c’est particulièrement à ceux que Dieu a établis pasteurs de son église à qui il appartient de faire entendre au peuple que le Fils de Dieu est venu au monde voilé de notre humanité pour nous ôter le voile du passé, qu’il est sorti du ventre d’une vierge pour nous faire sortir de nos misères,.. etc. »
Voilà pour les pointes ; toute la partie théologique du sermon en est ainsi hérissée. Mais tout à coup, le style s’échauffe, s’anime, prend vie, force et clarté. Le prédicateur se dépouille de son apparat théologique. Il se souvient qu’il parle au peuple, que ce peuple souffre, et que, pour oublier ses souffrances, il a besoin d’être soutenu, conduit, dirigé. Il se souvient que lui-même, comme évêque, a une mission politique, une mission sociale, dirions-nous. Sa raison et son autorité s’expriment en phrases brèves, nettes comme des axiomes, claires et vives comme des ordres.
« Dieu, par sa bonté, a tellement favorisé les armes de notre roi, qu’apaisant les troubles, il a mis fin aux misères de son État. Nous ne voyons plus la France, armée contre soi-même, épancher le sang de ses propres enfans. La paix est dans ce royaume, mais ce n’est point assez pour inviter le doux Jésus à venir faire sa demeure en nous. Il faut qu’elle soit en nos villes, en nos maisons et principalement en nos cœurs.
« La paix publique s’entretient par l’obéissance que les sujets rendent à leur prince, se conformant entièrement à ses volontés, en ce qui est du bien de son État.
« La paix se maintient aux villes, lorsque les personnes privées se maintiennent modestement dans le respect qu’elles doivent aux lois et aux ordonnances de ceux qui ont autorité.
« La paix est aux maisons, quand ceux qui demeurent ensemble vivent sans envie, sans querelle, sans inimitié les uns contre les autres.