Il l’apprit par une lettre, pleine des détails les plus circonstanciés, que lui adressa le lendemain du crime, son doyen Bouthillier, qui se trouvait à Paris. Après s’être ému, comme il convenait, du tragique de l’aventure, Richelieu se demanda quel parti il en pouvait tirer. Jusque-là, il avait bien eu des velléités d’agir. Il parlait souvent de ce voyage à Paris, de cette installation définitive à laquelle il fait allusion dans le Mémoire. Cependant, il hésitait. Il semble que l’abord du roi Henri IV le gênât.
Cette cour, composée de personnages déjà vieux, de soldats à la figure rébarbative, au geste rude, la bouche toujours pleine des grands services qu’ils avaient rendus au Béarnais, en imposait à sa jeunesse, à ses ambitions provinciales. Il exagérait près d’eux le respect, la déférence, l’obséquiosité, dans un effort qui devait coûter à sa fière nature.
Par l’avènement d’un roi enfant, d’une reine étrangère, entourée d’un personnel de femmes, de favoris, et de prêtres, il vit s’ouvrir un monde nouveau.
Il paraît avoir eu l’intuition très vive de ce changement favorable. Avec une précipitation qui fut longtemps un de ses défauts, il s’agite tout à coup, s’efforce d’attirer sur lui l’attention, écrit à tout le monde.
Il avait près de la reine un appui naturel ; c’était son frère ainé, le brillant Henri de Richelieu. Beau et bien fait, mêlé aux intrigues, celui-ci avait ses entrées dans ce que l’on appelait les cabinets, c’est-à-dire dans les petits cercles où se plaisait la reine. A peine Henri IV est-il mort, que nous le voyons mentionné avec son beau-frère, du Pont de Courlay, sur la liste des seigneurs auxquels la régente distribue les sommes péniblement amassées par le sage Sully.
Dans l’entourage de la reine, l’évêque de Luçon avait une autre protectrice, laquelle la plupart des mémoires du temps attribuent une certaine influence sur les débuts de sa carrière politique. C’est Antoinette de Pons, marquise de Guercheville, qui avait été mariée en premières noces au comte de La Roche-Guyon.
Il faut mentionner encore le nom d’une demoiselle Selvage qui, au début de l’année 1613, lui écrivait de revenir bientôt auprès de la reine et lui disait : « Qu’elle parlait souvent de lui à sa majesté ; comme il le désirait. » Enfin, il pouvait se réclamer du père Cotton, du père de Bérulle, du père Joseph, de tout ce personnel ecclésiastique qui enserrait déjà la dévote Italienne.
Dans ces conditions, Richelieu crut faire un coup de maître en adressant à la reine, dès qu’il eut appris la mort du roi, un serment de fidélité, rédigé en des termes particulièrement expressifs.