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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/599

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Évidemment, l’évêque de Luçon s’engage à fond dans la cause du maréchal. Qui sait ? peut-être a-t-il déjà conçu le vague dessein de le supplanter. Les amitiés politiques ont de ces dessous inattendus.

Nous sommes arrivés, d’ailleurs, à cette année 1614, qui marque une date importante dans le règne de Louis XIII.

Les fonds amassés par Henri IV dans les caves de la Bastille avaient été dépensés pendant les trois premières années de la régence. Les princes du sang, les seigneurs de la cour, les protestans s’agitaient et cherchaient quelque occasion de troubler la tranquillité, qui, malgré tout, persistait dans le royaume. Sur la fin de 1612, un prétexte, le plus futile des prétextes, s’était présenté. Le prince de Condé, pour le moment d’accord avec le marquis d’Ancre, s’était montré froissé du refus qu’on lui avait fait du gouvernement de Château-Trompette et aussi de la faveur dans laquelle la reine tenait les Guise et d’Épernon. Il s’était retiré de la cour. Mayenne, Nevers, Bouillon et le marquis d’Ancre lui-même avaient fait comme Condé.

Au bout de quelques mois, Concini était revenu à la cour, avait repris sa place dans la faveur de la reine, et s’était séparé de la cabale de Condé pour se rapprocher des vieux ministres, Villeroy et Sillery.

Cette fois, Condé, très irrité, ne ménage plus rien. Il se persuade que ces intrigues de cour ou d’alcôve intéressent toute la France. Il profite du mécontentement vague que la puissance du favori répand dans le royaume ; il lance un manifeste plein de reproches et de menaces.

Au fond, ce manifeste n’était qu’une adroite exploitation de tous les mécontentemens : « L’église n’a plus de splendeur, nul ecclésiastique n’est employé aux ambassades et n’a plus rang au conseil ; la noblesse appauvrie et ruinée est maintenant taillée, chassée des offices de judicature et de finances, faute d’argent, privée de la paie des gens d’armes et esclave de ses créanciers ; le peuple est surchargé par des commissions extraordinaires et tout tombe sur les pauvres pour les gages des riches. »

Ce sont là des plaintes qui peuvent se renouveler de tout temps, et qui, de tout temps, trouvent l’approbation et l’adhésion de tous ceux que leur sort ne satisfait pas. Condé ne se mettait pas en peine d’indiquer un remède précis aux maux qu’il dénonçait. Mais il essayait de rendre sa conjuration populaire, en réclamant énergiquement la convocation des états-généraux.

En un mot, on voulait brouiller. « Ce temps étoit si misérable, dit Richelieu lui-même, que ceux-là étoient les plus habiles parmi