le souper auquel ce personnage avait convié l’ascète devenait une sainte communion, des agapes spirituelles, un banquet céleste. On enrichissait le récit de cette rencontre de circonstances merveilleuses auxquelles ceux qui les imaginaient ajoutaient foi les premiers. On disait qu’au moment où Cotta, après une longue dispute, avait confessé la vérité, un ange était venu du ciel essuyer la sueur de son front. On ajoutait que le médecin et le secrétaire du préfet de la flotte l’avaient suivi dans sa conversion. Et, le miracle étant notoire, les diacres des principales églises de Libye en rédigèrent les actes authentiques. On peut dire sans exagération que, dès lors, le monde entier fut saisi du désir de voir Paphnuce, et qu’en occident comme en orient, tous les chrétiens tournaient vers lui leurs regards éblouis. Les plus illustres cités d’Italie lui envoyèrent des ambassadeurs et le césar de Rome, le divin Constant, qui soutenait l’orthodoxie chrétienne, lui écrivit une lettre que des légats lui remirent avec un grand cérémonial. Or, une nuit, tandis que la ville éclose à ses pieds dormait dans la rosée, il entendit une voix qui disait :
— Paphnuce, tu es illustre par tes œuvres et puissant par la parole. Dieu t’a suscité pour faire éclater sa gloire. Il t’a choisi pour opérer des miracles, guérir les malades, convertir les païens, éclairer les pécheurs, confondre les ariens et rétablir la paix de l’Église.
Paphnuce répondit :
— Que la volonté de Dieu soit faite !
La voix reprit :
— Lève-toi, Paphnuce, et va trouver dans son palais l’impie Constance, qui, loin d’imiter la sagesse de son frère Constant, favorise l’erreur d’Arius et de Marcus. Va ! Les portes d’airain s’ouvriront devant toi et tes sandales résonneront sur le pavé d’or des basiliques, devant le trône des césars, et ta voix redoutable changera le cœur du fils de Constantin. Tu régneras sur l’Église pacifiée et puissante. Et, de même que l’âme conduit le corps, l’Église gouvernera l’Empire. Tu seras placé au-dessus des sénateurs, des comtes et des patrices. Tu feras taire la faim du peuple et l’audace des barbares. Le vieux Cotta, sachant que tu es le premier dans le gouvernement, recherchera l’honneur de te laver les pieds. À ta mort, on portera ton cilice au patriarche d’Alexandrie, et le grand Athanase, blanchi dans la gloire, le baisera comme les reliques d’un saint. Va !
Paphnuce répondit :
— Que la volonté de Dieu soit accomplie !
Et, faisant effort pour se mettre debout, il se préparait à descendre. Mais la voix, devinant sa pensée, lui dit :