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l’homme. C’est aussi, — nous le verrons une autre fois, quand nous viendrons à ce propos, — c’est l’image de l’état social créé par ce travail, de « la loi de fer » modelée sur le jeu impassible de cette mécanique.

Six heures. Un nouveau coup de sifflet, un nouveau rugissement de la force qu’on entrave. Docile, elle obéit ; elle s’évanouit aussi soudainement qu’elle s’éveilla et va se reperdre dans les élémens d’où on l’avait suscitée. Les rouages se ralentissent, s’arrêtent. Rien ici de la fatigue qu’on remarque dans les bras du travailleur, quand la nuit fait tomber l’outil de ses mains ; c’est plutôt l’arrêt sur tous les membres d’un cheval de sang, encore plein d’action, quand on pèse brusquement sur le mors ; rendez-lui les rênes, il repartirait de plus belle. Mais l’homme a décidé que la force avait fini sa journée ; sur cette aire où le bruit et le mouvement nous étourdissaient, il y a quelques minutes, tout est rentré dans le repos, dans le silence. Les machines sont enchantées jusqu’à demain.

Avant qu’elles se rendorment, descendons de notre observatoire et parcourons quelques rues, quelques quartiers de la ville industrielle. Chacun des grands agens de la force a le sien, dans cette cité-type ; ainsi les différens corps de métier se partageaient les villes de l’ancien temps et continuent de se partager aujourd’hui les villes de l’Orient. D’abord, le quartier de la houille, de la vieille force emmagasinée dans le sein de la terre ; réserve calculée depuis de longs siècles pour suffire aux besoins de la période de transition où nous sommes, jusqu’au moment où nous serons mieux instruits à maîtriser les forces libres qui nous environnent. Ne semble-t-il pas que le Père commun, agissant par son soleil, nous ait préparé d’avance cette énergie concentrée, comme la mère prépare la seule nourriture utile à son enfant, durant les mois où il ne sait pas encore conquérir sur le monde les divers alimens qui soutiendront sa vie ? — Ce coin de la galerie reporte l’imagination à Anzin ou à Saint-Etienne ; tout le long de la rue, des plans en relief et en creux, ingénieusement combinés, permettent au regard de descendre dans le fond de nos grandes mines, d’y étudier la disposition des couches, la vie souterraine du mineur, les procédés d’extraction. On suit le bloc de charbon jusque sur le carreau où la benne le décharge, et de là dans les canaux, sur le chaland qui l’emporte. Accompagnons ce bloc dans le vaste quartier de la mécanique. Il empiète forcément sur tous les autres. Le charbon, transformé en vapeur, travaille dans tous ces cylindres.

A la place d’honneur, trois vitrines historiques renferment une série de petits modèles ; ce sont les types des principaux appareils