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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/704

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génie humain se fait honneur. Ces galeries vassales viennent aboutir à leur suzeraine, au foyer central du travail, si logiquement situé derrière l’Exposition des produits. Depuis l’entrée du Champ de Mars, le visiteur a vu un abrégé du monde ; voici le laboratoire où l’on façonne ce monde, avec les métiers et les outils requis pour cette tâche. Ces métiers et ces outils sont mus par les forces de la nature. Mais il est temps de réformer un mauvais langage et de dire avec les gens de savoir : ils sont mus par la force unique, par l’énergie. Depuis quarante ans, tous les progrès des sciences physiques concourent à établir un petit nombre de vérités capitales aujourd’hui hors de contestation pour la philosophie naturelle. L’énergie est une, comme la matière. L’axiome : « Rien ne se crée, rien ne se perd, » est vrai de la première comme de la seconde. La loi de la conservation de l’énergie, toujours en quantité égale dans l’univers, toujours restituée dans son intégrité en achevant le cycle des transformations qu’on lui fait subir, cette loi est peut-être la plus belle conquête de la science contemporaine. L’énergie unique imprime le mouvement à la matière ; il se manifeste à nous sous des modes différens, que nous appelons chaleur, lumière, électricité. Ces termes subsisteront sans doute pour la commodité du langage ; mais avant peu, quand on essaiera de se représenter les entités distinctes, irréductibles les unes aux autres, qu’ils signifièrent si longtemps pour nous, on sourira comme nous sourions, quand nous trouvons dans les traités des anciens l’univers divisé en quatre élémens : le feu, l’air, la terre et l’eau[1]. — Ces divers états de l’énergie ne sont que des transformations : la nature les accomplit librement dans son domaine ; l’homme est parvenu à l’imiter, il reproduit et règle ces transformations pour en tirer le travail approprié à ses différens besoins. Dans ce grand laboratoire de la force prisonnière, derrière ces machines qu’elle anime, nous

  1. J’assistais, ces jours derniers, dans le laboratoire de la Société internationale des électriciens, aux curieuses expériences instituées par le professeur Herz et reproduites en France par M. Joubert, en confirmation d’une théorie de Maxwell. Ces expériences apportent une preuve nouvelle de l’identité de la lumière et de l’électricité, dans leur mode de propagation à travers les milieux. Sans fil conducteur, sans aucun intermédiaire, par le simple rayonnement d’un foyer d’où émanent des ondes électriques, on obtient des étincelles en rapprochant deux pièces de monnaie, sur tous les pointa de la salle, dans les salles suivantes, et jusque dans la cour du laboratoire. Ainsi, pour la première fois, nous parvenons à constater la présence et le mode de propagation de l’électricité sans le secours d’un corps solide qui la porte. Un miroir incliné, placé dans l’axe du foyer, donne des réflexions d’électricité pareilles à celles de la lumière. Les calculs approximatifs qu’on a pu établir d’après ces expériences confirment les anciens calculs théoriques qui donnaient des chiffres identiques pour les vitesses des ondes lumineuses et des ondes électriques.