Cependant tout suit son cours, — un cours en vérité bien extraordinaire, même dans un temps où tout arrive. Tandis que l’Exposition déploie sans trouble le spectacle continu et éblouissant des œuvres de la paix bienfaisante, tandis que M. le président de la république se prodigue au Champ de Mars et à l’Élysée, recevant en maître de maison d’une nation hospitalière le roi de Grèce, le comte de Flandre ou le shah de Perse, la politique semble prendre à tâche de nous faire vivre dans un autre monde. La politique, ou ce qu’on veut bien appeler de ce nom, offre de son côté le spectacle de ses déchaînemens, de ses incohérences assourdissantes, de ses licences effrénées et même de ses avilissemens. Est-il possible d’imaginer un plus saisissant contraste que celui de ces deux Frances qui passent tour à tour sous nos yeux, — l’une généreuse, accueillante, facile, fière de se sentir toujours industrieuse et féconde, — l’autre défigurée, dénaturée par les partis, livrée aux plus vulgaires, aux plus stériles passions ?
Rien sans doute n’est nouveau sous le soleil, il y a longtemps qu’on l’a dit. Ce n’est pas la première fois que des gouvernemens, des partis qui se sont compromis par leurs fautes, s’efforcent de se défendre à outrance, par toutes les armes, et que des oppositions irritées ont recours à toutes les représailles. Non, ce n’est pas d’aujourd’hui que gouvernemens et oppositions rivalisent de passions implacables dans leurs luttes ; mais c’est la première fois peut-être que la vie publique ace caractère de dépression morale qu’on lui voit aujourd’hui, qu’elle se déroule à travers les incidens déshonorans, les diffamations, les polémiques avilissantes, les défis et les violences. Après la Chambre qui a fini comme elle a commencé, par des turbulences et d’équivoques expédiens de parti, voici les élections des conseils généraux, où M. le général Boulanger, avec sa présomption frivole, a prétendu s’essayer à la conquête de la France, — et dans l’intervalle le torrent s’est déchaîné plus que jamais. Depuis quelque temps, en vérité, on dirait qu’il n’y