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que c’est la fonte des glaces qui produit le flux et le reflux, et que nous sommes des charlatans : il doit régner la plus grande liberté[1]… »

Que celui qui proclamait ainsi les droits de la liberté n’ait pas toujours par ses propres actes soutenu la cause dont il se faisait ce jour-là le champion, c’est ce qu’il serait sans doute assez superflu de rappeler ; mais il n’y a que justice à reconnaître qu’il resta beaucoup plus fidèle à sa confiance dans l’autorité morale de l’Institut. S’il lui est arrivé quelquefois, — lors de l’élection de Chateaubriand par exemple, — de se laisser aller à des emportemens de mauvaise humour contre les personnes, il n’a jamais cessé de se montrer ouvertement favorable à l’institution même et de travailler, soit à en consolider les bases, soit à en faciliter les développemens.

La réorganisation de l’Institut en 1803 est un des premiers et des plus éclatans témoignages de cette sollicitude de Napoléon pour les intérêts du grand corps que la Convention avait eu la gloire d’établir, mais dont elle s’était hâtée de fixer les conditions réglementaires avec plus de générosité dans les intentions que d’esprit pratique et de prévoyance. Nous avons essayé dans les chapitres qui précèdent d’indiquer quelques-uns des inconvéniens inhérens à l’organisation primitive de l’Institut, particulièrement ceux qu’entraînait, pour le libre fonctionnement et même pour le recrutement de chaque classe, cette doctrine de l’unité à outrance qu’on avait entendu faire prévaloir sur tout le reste. Ce fut pour corriger ces imperfections du décret de 1795, et aussi pour en combler sur plus d’un point les lacunes, qu’un arrêté consulaire, en date du 3 pluviôse an IX (23 janvier 1803), vint modifier la lettre et, dans une certaine mesure, l’esprit même des lois qui avaient jusqu’alors régi l’Institut.

Aux termes de cet arrêté, — œuvre personnelle du premier consul et signée de son nom à l’exclusion de ceux de ses deux collègues, — l’institut se trouvait divisé en quatre classes, au lieu des trois qui l’avaient d’abord composé. La première, dite des Sciences physiques et mathématiques, comprenait soixante-cinq membres, plus huit associés étrangers et cent correspondans, en remplacement des associés non-résidans désormais supprimés dans cette classe comme dans les autres. En outre, elle s’augmentait de la section de Géographie, qui avait depuis 1795 appartenu à la classe des sciences morales et politiques.

La seconde classe, Langue et littérature française, avait quarante membres, dont plusieurs membres de l’ancienne Académie

  1. Correspondance de Napoléon, t. VI, p. 432.