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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/759

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atteindre l’Institut dans l’exercice de sa fonction même, modifiaient singulièrement les conditions d’égalité officielle établies d’abord entre ses membres. Un de ceux-ci, vers la fin de 1804, avait pris, ou, si l’on veut, accepté la couronne impériale, et ce fait, que naturellement les règlemens n’avaient pu prévoir, ne laissait pas de donner à penser aux membres de l’Institut pour leurs relations à venir avec leur tout-puissant confrère. Le nouveau césar, toutefois, y mit pendant quelque temps de la bonne grâce et presque de la coquetterie. Lorsque, à l’occasion de la cérémonie du sacre qui avait eu lieu quelques jours auparavant, il reçut la députation des quatre classes chargée de le féliciter, il l’accueillit en déclarant bien haut que, plus que jamais, « il se faisait gloire d’appartenir au corps célèbre » dont il avait les représentans devant lui. Une autre fois, il disait à ses confrères de la première classe : « J’ai voulu connaître ce qui me restait à faire pour encourager vos travaux, afin de me consoler par là de ne pouvoir plus y concourir ; » mais bientôt c’est d’un autre ton qu’il répond aux discours que les membres de l’Institut lui adressent ou aux rapports qu’ils lui soumettent. « J’attache du prix à vos travaux, leur dit-il en 1808 : ils tendent à éclairer mes peuples et sont nécessaires à la gloire de ma couronne. Vous pouvez compter sur ma protection. »

Quoi de plus naturel d’ailleurs à ce moment qu’un pareil langage ? Ce titre de protecteur par lequel Napoléon remplaçait celui qu’il s’était honoré de porter jusqu’alors, l’Institut lui-même ne le lui avait-il pas décerné d’avance en sollicitant, dès les premiers jours de l’année 1806, l’autorisation d’ériger au nouveau souverain, comme au dieu du temple, une statue dans la salle des séances publiques ? Bien entendu, ni Napoléon, ni ses ministres n’avaient marchandé leur consentement. Par une lettre en date du 13 février 1806, M. de Champagny informait le président de l’Institut que « Sa Majesté avait vu avec satisfaction cet hommage de la première société savante et littéraire de l’Europe, à qui il appartient, ajoutait le ministre, autant que des contemporains peuvent le faire, de devancer le jugement de la postérité. » En conséquence, il avait été décidé que l’exécution de la statue serait confiée à l’un des plus habiles sculpteurs de la quatrième classe, Roland, et que les frais seraient acquittés par une retenue sur l’indemnité mensuelle allouée à chacun des membres de l’Institut. Roland eut bientôt accompli sa tâche. Le 3 octobre 1807, l’œuvre due à son ciseau était solennellement inaugurée dans la séance annuelle tenue par la classe des beaux-arts pour la distribution des grands prix, et un hymne de circonstance, dont Arnault avait écrit les paroles et Méhul la musique, achevait de consacrer ce