Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/773

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faut-il entendre, d’abord, par l’expression : théâtre de la guerre ? Il faut entendre toutes les contrées et toutes les mers où les puissances belligérantes peuvent s’attaquer : « Lorsqu’une guerre se complique d’opérations maritimes, dit Jomini, alors le théâtre n’en est pas restreint aux frontières d’un état ; mais il peut embrasser les deux hémisphères, comme cela est arrivé entre la France et l’Angleterre, depuis Louis XIV jusqu’à nos jours. »

il est clair, pourtant, qu’il y a certaines parties de ce vaste théâtre où les opérations seront plus décisives, où leur succès amènera plus tôt et d’une manière plus immédiate le résultat que nous visons ; de là, suivant qu’elles se dérouleront dans telle ou telle partie du théâtre de la guerre, des opérations principales et des opérations secondaires. Or il importe au plus haut point de les distinguer les unes des autres afin de pouvoir consacrer aux premières plus de forces actives et de meilleurs élémens.

Etablir cette distinction, en déduire logiquement la répartition de ses forces, c’est ce qu’on appelle tracer son plan de campagne.

On ne peut douter que de tels principes soient applicables à la guerre maritime : par leur généralité même, aussi bien que par leur évidente justesse, ces principes acquièrent un caractère essentiel qui les impose à tous les genres de conflits, quels que soient les moyens d’action, terrestres ou maritimes, employés par les belligérans pour vider leur querelle. Ces principes enfin dominent les guerres de tous les temps, quels que soient les engins mis en jeu, quels que soient par conséquent les procédés tactiques.

Il s’est introduit pourtant, dans la conduite générale des grandes guerres, une condition nouvelle ou du moins une condition à laquelle on attache aujourd’hui plus de prix qu’autrefois, c’est la rapidité des opérations, conséquence obligée du besoin plus vivement ressenti peut-être d’abréger la crise, d’obtenir en peu de temps des résultats décisifs.

Ne pouvant supprimer la guerre, la civilisation moderne exige au moins que ce mal nécessaire soit limité dans sa durée. Mais, pour le contenir dans les bornes étroites de quelques mois, il a fallu étendre singulièrement le champ de ses ravages et y intéresser l’universalité des citoyens : de là cette redoutable grandeur des conflits de notre siècle, qui voit renaître les invasions antiques, qui voit le choc des peuples armés succéder aux savantes opérations sur les frontières.

Dès lors il ne suffisait plus de bien discerner le théâtre des opérations principales et de répartir judicieusement ses forces, il fallait se mettre en mesure de terrasser l’adversaire par une offensive