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de Jéhova (14-20-21). » C’est le tableau, idéal peut-être, d’un pèlerinage universel, où les marchands ne suffiront plus, et ce tableau, qui représente l’apogée du judaïsme, ne peut se placer dans aucun temps antérieur.

Quand on rassemble tant d’indications si précises, tant de rapprochemens si décisifs et qu’on lit parallèlement Zacharie et l’Histoire juive de Josèphe, on ne comprend même plus quel aveuglement a pu faire méconnaître si longtemps la jeunesse de ce prophète, et chercher, dans des siècles où les Juifs étaient ignorés du monde, l’explication d’idées et de sentimens qui n’ont pu se produire qu’à une époque où le monde commençait déjà à devenir juif.


La prophétie de Malachie est une des plus courtes, et aussi une de celles qui nous en apprennent le moins. La place qu’elle occupe dans le recueil des Douze (c’est la dernière) semble indiquer qu’elle est au moins aussi récente que les deux qui la précèdent, et, d’un autre côté, l’invective contre l’Idumée par laquelle elle s’ouvre ne permet pas de croire qu’elle ait été écrite du vivant du roi iduméen ; on peut la placer plutôt dans les temps troublés qui suivirent sa mort.

En reprochant aux prêtres de son temps d’offrir à Jéhova des victimes de mauvaise qualité, apparemment pour s’approprier l’argent qu’auraient coûté des viandes meilleures, Jéhova ajoute (1-11) : « Car depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, mon nom est grand parmi les peuples, et en tout lieu on présente en invoquant mon nom des parfums et des offrandes de choix. » Puisqu’on ne sacrifiait qu’à Jérusalem, il faut entendre par en tout lieu que de tout lieu on envoyait ces offrandes choisies, que le prophète oppose à celles que les prêtres fournissaient pour le service de tous les jours. On voit que ce verset témoigne encore du culte universel que le dieu des juifs recevait alors.

Malachie reproche ensuite aux juifs de violer la Loi, particulièrement en ce qu’ils épousent des filles d’un dieu étranger, et qu’en les introduisant dans leur maison ils attristent la femme juive qui était la femme de leur jeunesse. Celle-ci pleure devant l’autel de Jéhova, et le dieu ne peut plus agréer une offrande gâtée par ses larmes (2-13). Il y a là un passage assez obscur, mais où on voit pourtant se manifester l’esprit nouveau qui aboutit, mais plus tard seulement, à condamner la polygamie. Car ce n’est que la répudiation qu’il condamne ; il permet, au contraire, qu’on se sépare de sa femme qu’on n’aime plus ; mais il ne veut pas qu’on lui fasse subir la vue odieuse d’une rivale plus jeune et plus aimée (2-16). Et il n’accepte pas même l’exemple d’Abraham, l’excusant