Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/891

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le comité se réunissait, surtout dans les premiers mois, le matin à huit heures, et délibérait, lorsqu’il y avait lieu, sur les affaires générales. Les commissaires se rendaient ensuite dans leurs bureaux, leurs sections, comme on disait, pour y travailler. Vers une heure, ils allaient à la Convention. Les séances étaient courtes. Vers sept heures, les commissaires revenaient à leurs sections, et, dans la nuit, ils se rassemblaient en comité pour expédier les résolutions à prendre en commun. Ces réunions devinrent vite insignifiantes, puis elles devinrent rares. En réalité, il y eut dans le comité deux conseils qui siégeaient et agissaient chacun de son côté : les terroristes évitant de se compromettre dans les affaires de la guerre, les militaires répugnant à se souiller dans les affaires de la Terreur. Comme il fallait cependant conserver une apparence de délibération, on décida que, pour la validité d’un ordre, trois signatures suffiraient : sur ces trois signatures, la première, celle du commissaire spécial, était seule effective ; les autres n’étaient, la plupart du temps, que des visas. « Chacun, rapporte Carnot, expédiait lui-même ou faisait expédier dans ses bureaux les affaires qui étaient attribuées à sa compétence et les apportait à la signature ordinairement vers les deux ou trois heures du matin. »


II

Il restait un ministre des affaires étrangères, Deforgues, qui ne faisait rien, sinon supplier le comité de lui donner des ordres. Le comité avait d’autres objets en tête. Barère, que l’on avait placé dans la section des relations extérieures, n’y comprenait rien ; Hérault, qui y avait été appelé du temps de Danton et que l’on y avait laissé, ne songeait qu’à éviter, par son inaction même, la suspicion de dantonisme et de diplomatie, suspicion déjà dangereuse et bientôt mortelle. Dans le fait, il n’y avait plus de négociations. Robespierre édicta qu’en principe il n’y en devait plus avoir. Il fit prendre, le 16 septembre 1793, un arrêté posant « des bases provisoires diplomatiques » : Pendant la durée de la guerre, la république n’aura de relations suivies qu’avec les États-Unis d’Amérique et les cantons suisses ; partout ailleurs que dans ces confédérations républicaines, elle n’emploiera que des agens secrets, des secrétaires de légation et des chargés d’affaires. Ces envoyés n’emporteront point d’instructions écrites. Cette disposition était inspirée par l’aventure de Maret et de Sémonville, que la cour de Vienne avait fait enlever pour s’emparer de leurs papiers et pour découvrir les plans de la république. Rien de plus aisé, d’ailleurs, à un gouvernement sans vues et sans amis que de s’en tenir à ces « bases diplomatiques » de Robespierre. L’arrêté du 16 septembre était un aveu emphatique d’impuissance.