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écrit-il-encore, l’on disoit que les communes de Gascogne, d’Agenois, de Quercy et du pays de Périgord s’étoient élevées et pris les armes et avoient pour devise : « Nous sommes las ! » Nous sommes las, c’est le cri qui sort de toutes les poitrines. En 1575, les gens de Poitiers jetaient leurs plaintes vers le roi : « Les huguenots n’ont cessé de piller et ravager notre province du Poitou trop voisine, hélas ! de leur retraite. Pour les soldats qui viennent à notre défense, entre l’ami et l’ennemi, aux déportemens de l’un et de l’autre, nous ne connoissons point de différence. »

En effet, les soldats réguliers, mal payés, se débandaient et, par troupes de quarante ou cinquante, allaient par le pays, escaladant les châteaux mal gardés, forçant les villages et les fermes, pillant, violant, tuant.

En 1585, l’année de la naissance de Richelieu, le peuple des environs de Poitiers quitte les campagnes et se réfugie dans les villes, emportant tout ce qu’il peut, pour échapper aux passages des gens de guerre, « et les gentilshommes mêmes quittaient leurs maisons. » En 1586, les horreurs de la peste se joignent à celles de la guerre et les habitans de ces contrées, de deux maux, forcés de choisir le moindre, sortent des villes pour habiter les campagnes « malgré le grand nombre des brigands de ce temps. »

L’avènement de Henri IV ne change rien aux choses. Après avoir hésité quelque temps, Poitiers s’était jeté dans la Ligue. Les protestans devenus royalistes rôdent sans cesse autour de cette ville, essayant de la surprendre. On se bat à Saint-Savin, à Chauvigny, à La Rocheposay, à la Guerche, à Mirebeau. En 1591, Poitiers est assiégé une fois encore. Enfin, en 1594, la ville rentre dans le devoir et se rend au roi.

Mais ce n’est pas fini encore. Les ligueurs du Poitou appellent à leur secours les gens de l’Anjou et de la Bretagne, qui obéissent au duc de Mercœur ; Italiens, Espagnols, Albanais, aventuriers de toutes races et de tous pays, forment le gros de ces renforts. On peut penser ce qu’ils font endurer à des contrées qui, quel que soit leur parti, sont toujours pour eux pays conquis.

« Le duc de Mercœur, faisant sa demeure à Nantes, étoit enfin demeuré chef du parti ligueur, et particulièrement en Bretagne, Anjou et Poitou… Son parti prenoit, comme il pouvoit, maisons, châteaux, et si il y avoit des fossés seulement autour, ledit sieur de Mercœur y mettoit garnison ; par le moyen desquels il levoit des tailles au plus loin qu’il se pouvoit étendre, faisoit contribuer de tous côtés, et lesdites garnisons voloient et pilloient partout. » En 1597, l’hôtel de ville de Loudun délibère encore « sur les moyens de résister aux ravages, pilleries et exactions de la garnison qui est dans la ville de Mirebeau. « Il ne fallut pas moins que la