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le pontife le plus propre à mettre l’église en feu. Une élévation si imprévue exaspérèrent l’orgueil et la violence de ce Napolitain. Il traita dès le premier jour, avec une extrême dureté, les cardinaux qui venaient de l’appeler de son petit évêché au gouvernement de la chrétienté. Au premier consistoire, il leur enjoignit de revenir au plus vite à la simplicité des apôtres, à résider dans leurs diocèses, à refuser les présens des princes. Cette façon brusque d’imposer la réforme déplut aux cardinaux français qui formèrent aussitôt, autour de Robert de Genève, un parti d’opposition encouragé par Jeanne de Naples. A la fin de mai, les ultramontains se retirèrent à Anagni, afin de respirer, disaient-ils, un air plus salubre, laissant Urbain à Rome, seul avec ses quatre cardinaux italiens. Le pape, à son tour, changea d’air et s’établit à Tivoli. Cependant les bandes bretonnes, répondant à l’appel du sacré-collège, poussaient jusqu’aux murs de Rome, battaient, le 16 juillet, les Romains au pont Salaro, puis se repliaient sur Anagni. Quand les cardinaux rebelles se virent appuyés par une armée, ils lancèrent, le 20 juillet, leur manifeste. Ils déclaraient nulle l’élection d’Urbain VI, faite sous la pression de l’émeute. Urbain, avec une sagesse politique que son règne ne devait plus montrer, se déclara tout prêt à s’incliner devant la décision d’un concile. Les intransigeans rejetèrent cette proposition, et, le 9 août, publièrent une encyclique par laquelle ils enjoignaient à Urbain de se démettre, à la chrétienté de lui refuser l’obéissance. Malgré les consultations des premiers canonistes du temps, toutes favorables à l’élection, et les dernières paroles du pauvre Tibaldeschi, le pape postiche de la nuit du 7 avril, qui témoigna en mourant de la sincérité du scrutin, les dissidens ouvrirent à Fundi un nouveau conclave où les trois derniers cardinaux italiens se laisseront attirer, par l’espoir qu’on inspira à chacun d’eux qu’il serait élu. Le 21 septembre, le cardinal de Genève, dont les mains étaient encore teintes du sang de Cesena, Clément VII, était choisi. Les trois Italiens protestèrent et allèrent cacher leur honte dans un château des Orsini, près de Tagliacozzo.

Urbain revint à Rome. Il ne pouvait rentrer au Vatican, car le Saint-Ange était aux mains d’un gouverneur dévoué au parti français, il descendit à Santa-Maria Nuova, au Forum, puis à Santa-Maria du Transtevere. Il n’avait plus près de lui un seul de ses cardinaux ; les prélats de sa cour l’abandonnaient l’un après l’autre pour rejoindre le pape de Fundi. Jamais le saint-siège romain n’était tombé dans une désolation plus profonde. Mais Catherine veillait toujours sur l’église. Dès le début du nouveau pontificat, elle avait su fléchir l’âme altière d’Urbain en faveur de Florence : la paix avait