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pénalité sociale, la crainte de l’opinion publique, voilà les deux impératifs de la contrainte ; la satisfaction directe attachée à l’action morale, enfin l’attrait exercé par la seule contemplation de l’idéal moral, voilà les deux impératifs de la liberté. Mais, au fond, le dernier n’est pas vraiment un impératif, et il. Wundt lui-même convient que, sous sa forme supérieure, chez les esprits élevés, la morale cessera d’offrir le caractère proprement obligatoire. Sera-ce là ce qu’on a appelé un « équivalent de l’obligation ? » — Comme le plus est l’équivalent du moins : la volonté morale de l’universel est plus et mieux qu’une loi impérative ; elle est déjà la moralité commencée, tendant à envahir tout notre être. Elle est le point de coïncidence du vouloir, du devoir et du pouvoir.


IV

La volonté consciente ne pourra jamais, nous l’avons vu, ne point se proposer pour but l’union progressive des volontés et des consciences ; mais ce but idéal n’apparaîtra-t-il point en contradiction avec les lois de la nature telles que les révélera la science à venir ? Jamais l’humanité ne se fera un devoir d’une impossibilité ; il faut donc que l’impossibilité d’un progrès mental indéfini dans l’univers ne soit pas quelque jour démontrée. Ainsi, après avoir fait l’analyse radicale de la conscience, d’où se déduit l’idéal moral, la métaphysique sera obligée de faire la synthèse la plus complète de nos connaissances sur l’univers même, afin d’en conclure que l’idéal moral n’est ni impossible ni en contradiction avec la science.

La question, selon nous, reviendra à se demander : — L’évolution de la vie mentale dans le monde1 a-t-elle un tenue que l’on puisse marquer d’avance ? — Oui, sans doute, pour telle espèce1 en particulier, comme l’espèce humaine actuelle, matériellement incapable d’une évolution indéfinie, matériellement vouée à une destruction finale. Mais il n’en résulte pas que l’évolution mentale soit pour cela arrêtée dans le monde et qu’elle ne puisse se poursuivre ou sous d’autres formes qui sous d’autres espèces. Nous allons voir, en effet, qu’on ne pourra jamais ni penser la complète annihilation de toute vie mentale dans le monde, ni marquer d’avance une limite au développement mental dans le monde.

En premier lieu, pourquoi l’homme ne pourra-t-il jamais concevoir la complète annihilation de toute vie mentale ? — C’est qu’il faudrait pour cela retirer à notre conception du monde tout élément emprunté à notre pensée même et à notre conscience ; or c’est chose impossible, car, une fois ce vide mental opéré, il ne resterait plus rien, pas même de physique. Aussi la philosophie