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En une rapide synthèse, résumons les services que doit et peut rendre cette arme. Pendant la concentration, elle couvre et protège le front stratégique des armées ; elle menace et trouble la base d’opérations de l’adversaire ; elle indique au généralissime le point où il doit frapper, elle lui désigne l’objectif. Dans la marche d’approche, elle entoure les colonnes d’un réseau vigilant ; elle déblaie leur route, soulève et déchire le voile tendu devant elles. Sur le champ de bataille, elle surprend et réduit au silence l’artillerie adverse ; elle protège la tête et les flancs de son armée, couvre son déploiement, inquiète ou retarde celui de l’ennemi. Un peu plus tard, elle prépare l’événement, elle prend part à l’assaut ; en quelques secondes elle cueille le fruit d’une longue lutte. Enfin, elle achève la victoire ou conjure le désastre ; elle accomplit la poursuite ou couvre la retraite. En somme, elle intervient dans le prologue, dans l’acte principal, dans le dénoûment. Elle est à la fois l’introductrice et la consécratrice du succès. Dans tous les cas, le combat contre sa propre rivale est son prélude inévitable.

Son champ d’action se mesure aux dimensions des guerres actuelles. L’objectif a grandi, les moyens de l’atteindre doivent croître en proportion. Le temps n’est plus aux efforts restreints. L’amplitude du but exige des procédés élargis. Pour la cavalerie moderne, le nombre n’est pas seulement une force matérielle, c’est aussi un élément de supériorité morale, une condition essentielle d’énergie et de succès. La concentration à outrance, l’action d’ensemble, la tactique de décision, s’imposent. Tout le reste est vain, aléatoire ou funeste. Aussi, en une formule unique, on peut résumer son rôle et son avenir : La guerre de masses impose la tactique de masses. L’organisation et l’instruction de la cavalerie doivent avoir ce précepte pour base.


A. A.