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UN
AMOUR PLATONIQUE
AU XVIIIe SIECLE

MME DE COIGNY ET LAUZUN

Lettres de la marquise de Coigny ; Jouaust, 1881. — Mémoires de Lauzun. — Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, t. IV. — Mme de Tracy, Essais divers. t. Ier. — Pallain, la Mission de Talleyrand à Londres en 1792, 1 vol. in-8o ; Plon. — Lescure, Rivarol et la Société française. — Duc de Lévis, Souvenirs et Portraits.


I

Il peut sembler étrange qu’on vienne parler d’amour platonique au XVIIIe siècle, plus étrange encore qu’un sentiment pareil ait eu pour héros Lauzun, duc de Biron : Lauzun, le descendant de l’homme qui sut toucher le cœur de la Grande Mademoiselle, séducteur en quelque sorte par droit héréditaire, le roué des roués, l’auteur de ces Mémoires tellement indiscrets, que beaucoup, pour l’honneur de son nom, peut-être aussi pour l’honneur de leurs familles, de leurs amis, proclamèrent apocryphes ou falsifiés ; Lauzun, le favori de ces grandes dames auxquelles leurs maris permettaient tout, sauf les princes et les laquais, qui, interrogé sur ce qu’il dirait à sa femme, si celle-ci lui annonçait une grossesse (il ne l’avait pas vue depuis plusieurs années), répondit cyniquement : « Je lui écrirais : je suis charmé que le ciel ait enfin béni notre union,