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Un comité des anciens académiciens s’était formé, sous la présidence de Le Barbier, pour rechercher les moyens de rattacher leur cause à celle des artistes qui composaient la classe des beaux-arts et pour travailler à amener de part et d’autre une entente ou, tout au moins, une transaction. Le ministre de l’intérieur, l’abbé de Montesquiou, s’était prêté de bonne grâce aux démarches tentées auprès de lui par les réclamans. Il les avait autorisés à se réunir, leur avait, même accordé pour les séances qu’ils comptaient tenir une salle dans un des bâtimens de l’état, mais sans pour cela s’engager sur le fond de l’affaire et sans promettre rien de plus en son propre nom qu’une intervention éventuelle. De leur côté, les membres de la classe des beaux-arts n’avaient paru ni s’offenser des tentatives faites, ni même les désapprouver, dans la mesure bien entendu où elles ne porteraient pas atteinte à la constitution organique ou à la dignité du corps auquel ils appartenaient ; mais ils n’avaient pas voulu prendre part aux pourparlers entamés autour d’eux et s’étaient contentés d’en attendre sans hostilité préconçue les résultats. Bref, la campagne entreprise par les anciens académiciens menaçait fort de traîner en longueur : en voulant en précipiter le dénoûment par un simulacre d’accord conclu entre les deux parties, le comité que présidait Le Barbier ne réussit en réalité qu’à marquer plus nettement ce qui les séparait, et à envenimer la querelle en feignant de la croire supprimée. L’extrait d’une lettre adressée aux membres de la quatrième classe, le 5 août 1814, permettra d’apprécier cette situation nouvelle et de pressentir la rupture qui devait s’ensuivre bientôt :

« Messieurs, écrivait Le Barbier au nom des artistes qui s’étaient depuis quelques mois groupés autour de lui, vos anciens confrères de l’Académie royale de peinture et de sculpture… ont appris avec joie que vous étiez dans les dispositions les plus fraternelles pour vous rapprocher d’eux. Son Excellence le ministre de l’intérieur nous a autorisés à vous dire qu’il nous avait fait part de vos sentimens. Dites les moyens que nous avons à prendre pour arriver à un résultat si heureux. »

Quelque réservée qu’elle fût dans les formes, cette lettre, au fond, ne tendait pas à moins qu’à obtenir d’une des classes de l’Institut sa scission complète avec ce grand corps, son propre suicide en quelque sorte. Il n’était plus question maintenant pour les ci-devant membres de l’Académie royale, ou tout au moins pour certains d’entre eux, d’aller rejoindre leurs anciens confrères, grâce à une augmentation possible du nombre des places attribuées à la quatrième classe ; c’étaient eux, au contraire, qui, pour le « rapprochement » à opérer, affectaient de compter sur un mouvement dont ils ne prendraient pas l’initiative. En d’autres termes, ils