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que celle tenant à l’intensité même de la cause qui la provoquait. Pour que la progression d’un glacier cesse d’être illimitée, il faut avant tout que la fusion diurne et estivale balance la congélation nocturne et hivernale. Le glacier devra s’arrêter dans ce cas ; il ne reculera que si la fusion dépasse en activité la puissance de la congélation. On voit que l’étendue des superficies couvertes par le névé et la proportion de neiges annuellement départie, proportion en rapport nécessaire avec l’humidité du climat, influent directement sur le phénomène dont elles déterminent l’intensité. En définitive, un climat relativement égal et pluvieux en toutes saisons, en apportant beaucoup de neige sur les sommets et ne produisant qu’une chaleur trop faible pour pousser à la fusion, a dû être le plus favorable de tous à l’extension glaciaire.

Tels sont en quelques lignes, et sans entrer dans des détails qui entraîneraient trop loin, l’explication et le vrai sens de la période glaciaire ; mais si les glaciers étaient alors et furent pendant longtemps les appendices obligés des grandes chaînes, même des médiocres, telles que les Vosges et le Cantal, si, dans le nord du continent, une immense merde glaces prit possession et de l’Ecosse et de la Scandinavie, il ne s’ensuit pas que notre continent fût alors inhabitable : loin de là, il fourmillait d’habitans, et les populations d’animaux, l’homme lui-même, offraient sur notre sol un spectacle et des particularités, que les savans appliqués à l’étude du quaternaire se sont efforcés de définir et de préciser. Il y a là, au premier abord, une sorte de mêlée confuse d’élémens de toutes sortes, qu’il a fallu, non sans beaucoup de peine, distribuer et répartir, tout en reconstituant les véritables traits de l’ensemble ; en empruntant pour cette œuvre le secours des diverses branches de la science, mais aussi en se défiant des vues partielles, des préjugés d’école et des conclusions prématurées.

Les contrastes, les anomalies apparentes sont loin de faire défaut : tandis que des vestiges de plantes alpines ont été signalés à des niveaux très inférieurs à ceux qu’elles occupent de nos jours, comme si l’abaissement du climat eût entraîné jusque dans les plaines les espèces indigènes des hautes régions, le figuier, le laurier, le gainier, se rencontrent indigènes près de Paris. En Provence, en revanche, le tilleul, le pommier sauvage, divers érables, descendus au fond des vallées, formaient avec les arbres méridionaux une association insolite. Les animaux étonnent encore plus, puisque le renne, si étroitement adapté au climat glacé du nord, à qui le voisinage de la neige est, pour ainsi dire, indispensable, se mêlait ou du moins se juxtaposait à des proboscidiens, tels que l’éléphant antique et le mammouth, à des rhinocéros, à un