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jamais assez l’importance dans la transformation des sociétés contemporaines. Quelques années après 1848, le nombre des institutions augmente, leur vitalité se déclare par la rapide ascension des courbes  ; la claire vision du péril a stimulé la bourgeoisie industrielle, le sang des journées de juin n’a pas été versé inutilement. Le développement est régulier pendant toute la durée du second empire ; il s’améliore dans la période où nous sommes ; la nécessité d’agir s’est imposée à tous les esprits, elle suggère des combinaisons nouvelles ; les essais d’organisation rationnelle du travail apparaissent de tous côtés.

L’Exposition montre tout d’abord ce qu’on a imaginé pour faciliter au travailleur une précaution nécessaire : l’épargne. Cette préoccupation avait devancé les autres. La Caisse d’épargne fut fondée en 1818. Les survivans de cette époque racontaient volontiers comment les salons s’insurgèrent contre les philanthropes qui avaient pris l’initiative de cette œuvre, MM. de La Rochefoucauld-Liancourt, Benjamin Delessort et leurs amis. « Eh ! quoi, leur disait-on, vous trouvez que nos domestiques, nos employés, ne vous volent pas assez ? Vous vouliez les encourager par l’appât de cette prime ? » Le temps a répondu aux salons. La Caisse d’épargne est devenue l’une des maîtresses poutres de notre charpente économique. Nous verrons tout à l’heure comme on s’est récemment avisé du parti salutaire qu’on en pouvait tirer, en la faisant travailler sous une autre forme au bien social. Là vient se déverser en grande partie ce fameux bas de laine que l’Europe nous envie et que tant de gens sont désireux de vider. Le tableau du mouvement des caisses d’épargne a une singulière éloquence ; avec de petites lignes noires, il raconte toute notre histoire, toutes nos épreuves. Aux heures critiques, ces lignes se replient sur elles-mêmes. En 1848, un trou profond dans l’échelle ascendante ; mais l’arrêt dure peu, la crue recommence aussitôt. En 1870, la dépression est plus creusée, plus prolongée  ; il semble qu’on voie la pauvre blessée fléchir les reins sous un faix trop lourd, incapable de se relever. Cinq ou six années passent ; les colonnes reprennent leur essor, elles remontent plus rapides qu’auparavant, elles se distancent l’une l’autre comme elles n’avaient jamais fait. Dans ces derniers temps, un autre mode d’épargne est venu disputer la faveur du public à la vieille Caisse ; c’est la Fourmi ; elle fonde l’accumulation du capital sur des combinaisons un peu différentes, en particulier sur l’achat de valeurs à lots. La Fourmi expose ici pour nous allécher un fac-similé de ses piles d’écus prolifiques ; les jeunes générations ouvrières sont très séduites par cette nouvelle tirelire, qui s’est faite depuis1880 une clientèle nombreuse.

Passons au groupe des institutions patronales ; il occupe la