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un collier d’une valeur de 2 millions ; les pièces d’orfèvrerie de Meriden, les cristaux et les porcelaines de Collamore, dénotent un art avancé.

Au centre, les minerais d’or, d’argent et de diamans attestent les merveilleuses richesses de ce sol d’où l’industrie humaine a su extraire de fabuleux lingots, déversant sur le monde un flot de métaux précieux, sang nouveau infusé dans un corps anémié, le rajeunissant et lui rendant ses forces. De ce bain d’or a surgi un monde métamorphosé, pour qui ce qui était difficile est devenu facile, ce qui était impossible, faisable. Entre les notions économiques d’aujourd’hui et celles de 1840, ce ne sont pas cinquante années, mais des siècles qui se sont écoulés, tant et si rapidement les idées, les conceptions, les calculs et les chiffres ont changé. L’homme en est-il plus heureux, les guerres sont-elles moins fréquentes, les impôts moins onéreux, le présent moins lourd, l’avenir moins sombre ? Non certes ; mais l’ouvrier, mieux vêtu, vit mieux ; monté plus haut, l’homme voit plus loin ; l’horizon s’est élargi, les besoins ont crû avec les moyens de les satisfaire ; les distances supprimées ont rapproché les nations et multiplié les heurts. A chaque progrès accompli correspond une charge nouvelle, mais il dépend de l’homme de diminuer ces charges, et le progrès acquis demeure. Nul ne voudrait revenir en arrière, et l’irrésistible élan entraîne même les plus récalcitrans.

C’est le go ahead américain, mot significatif, plus expressif et moins vague que notre mot de progrès. C’est la marche en avant, à travers obstacles et fondrières, le pont hardi jeté par-dessus le torrent qui barre la route, le tunnel percé dans la montagne qui se dresse à pic, la course à travers le temps et l’espace vers un avenir entrevu, souhaité, auquel l’humanité tend de toutes les forces de son âme et de sa volonté, convaincue que le repos, la paix et le bonheur sont là-bas, au terme, et l’attendent. Et nul n’y tend avec plus d’ardeur et d’élan que cette grande république dont une guerre civile, sanglante entre toutes, prolongée pendant trois années, n’a ni affaibli la foi dans ses institutions, ni déconcerté l’optimisme. Sans relâche elle travaille, fouillant son sol dont elle tire, outre sa subsistance, de quoi nourrir une partie de l’Europe, exploitant ses carrières et ses mines, ses rivières et ses lacs, ses prairies et ses forêts, découvrant sans cesse quelque produit nouveau. A côté des magnifiques bois de construction du Maine elle nous montre, cette fois, des troncs de jade et d’agate, des bois pétrifiés de l’Arizona et du Minnesota, marbre végétal créé par le lent travail des siècles, irisé de cristaux aux reflets de topazes et d’améthystes, forêt marmoréenne enfouie dans les cendres et la lave de volcans éteints, révélant aux yeux surpris, sous l’écorce intacte et pétrifiée des