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cette irréalisable éventualité aucun d’eux n’entend abdiquer son droit de légiférer à sa guise et au mieux de ses intérêts.

Rien ne montre plus clairement combien est insurmontable cette difficulté que ce qui se passe dans l’état de New-York, où la loi ne reconnaît qu’une cause de divorce absolu : l’infidélité. A maintes reprises on s’est efforcé d’en faire admettre d’autres ; la presse a vainement insisté sur le fait que l’infidélité du mari n’est pas l’unique cause qui pût rendre insupportable à la femme le maintien du nœud conjugal, qu’il en était d’autres, d’ordre physique et moral, aussi pénibles, si ce n’est plus. La loi a résisté à toutes ces attaques et on n’obtiendrait pas plus l’assentiment de l’état de New-York à admettre d’autres motifs de rupture que de certains états d’abandonner une ou deux des dix ou douze causes de divorce qui figurent dans leurs codes.

Vu l’impossibilité où l’on est de procéder par amendement à la constitution, on s’est ingénié à tourner la difficulté et l’on croit avoir trouvé, dans la constitution elle-même, le moyen que l’on cherche. La section 10 de l’article 1er stipule qu’aucun état ne pourra « conclure aucun traité, alliance ou confédération, octroyer des lettres de marque ou de représailles, frapper monnaie, émettre des billets de banque, autoriser le paiement des dettes en monnaies autres que celles d’or et d’argent, voter des lois invalidant ou affaiblissant les obligations résultant d’un contrat, concéder des titres de noblesse. »

Bien que le contexte de l’article semble écarter, à première vue, tout rapport entre cet article même et la question des lois relatives au mariage et au divorce, on argue de l’interdiction faite aux législatures d’état de voter « des lois invalidant ou affaiblissant les obligations résultant d’un contrat, » pour leur contester le droit de légiférer sur le mariage et le divorce, assimilés à un contrat. Force serait d’admettre que, par cette clause détournée, insérée dans une section qui, ni de loin ni de près, n’a trait à la question, les premiers législateurs auraient entendu enlever aux états et réserver au pouvoir fédéral seul le droit de légiférer sur la matière. L’invraisemblance de l’hypothèse la fera probablement écarter et, lut-elle admise, tout au plus justifierait-elle le passage d’une loi déclarant valide et de plein effet, dans tous les états, le divorce prononcé par l’un d’eux. Cela seul ne remédierait pas aux complications existantes, tout en constituant cependant un progrès sur l’état de choses actuel.

On propose également de réserver aux cours fédérales le droit de connaître seules des instances en divorce dans tous les cas où les deux conjoints ne seraient pas originaires du même état. Cette