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mesure écarterait les conflits de juridiction et les fâcheuses conséquences résultant du divorce accordé dans l’un des états à l’un des conjoints, refusé au second dans un autre, valide ici et nul ailleurs. Mais ce qu’il importerait surtout de réglementer, c’est le système actuel de publications légales, fertile en fraudes et en évasions de la loi, et qui permet à l’un des conjoints de réclamer le divorce à l’insu de l’autre, de l’obtenir sans que la partie intéressée soit entendue, de façon qu’elle en ignore même le prononcé pendant des années. Ce cas est constant et l’on a fréquemment vu une femme mariée n’apprendre que par accident, et longtemps après, que le divorce avait été prononcé contre elle. Le plus récent est le suivant.

À la suite d’une discussion conjugale assez vive motivée par l’inconduite du mari, personnage en vue, un accord intervint entre sa femme et lui. Désireux tous deux d’éviter un scandale bruyant, nantie d’une somme assez forte que son mari mit à sa disposition, l’épouse partit avec sa mère pour un voyage en Europe. Peu après son départ, le mari introduisit devant la cour une instance en divorce. Copie de ladite instance et des allégations faites devant être communiquée à sa fournie, il fut requis de donner son adresse. Il l’ignorait, dit-il, sa femme étant à l’étranger et ne séjournant à demeure fixe dans aucune localité comme de lui. Ce cas est prévu par la loi ; le juge ordonna donc l’insertion de la requête et de l’ordre de comparution dans deux journaux locaux, l’un spécial et légal que les avocats lisent seuls, l’autre peu répandu en dehors de l’état. Les délais expirés, la cause fut entendue ; le mari seul produisit quelques témoins ; ignorante de ce qui se passait, la partie adverse n’était pas représentée, et le décret de divorce fut rendu. Dix-huit mois plus tard, à son retour aux États-Unis, la femme eut connaissance des faits accomplis. Son mari était remarié, et sa place légalement occupée par une autre.

Un cas analogue s’est récemment produit dans le Kentucky. En l’absence de son mari appelé en Australie par ses affaires, une femme demanda et obtint le divorce, sur la simple allégation, cette fois, qu’il était affilié à une secte religieuse dont les membres, devaient faire vœu de continence absolue. Cette clause figure en effet dans le code du Kentucky, plus rigoureux toutefois que celui des états voisins en ce qui concerne le mariage ; une jeune fille n’y pouvant contracter union sans l’autorisation de ses parens avant l’âge de vingt et un ans.

De cette prescription, dont s’accommode mal, semble-t-il, l’amoureuse précocité de la jeunesse du Kentucky, est née une industrie spéciale ayant son siège à Jeffersonville, ville frontière de l’Indiana,