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sujets et aux intérêts les plus divers. Les propositions un peu importantes intéressaient généralement plusieurs comités. Le comité de législation les réclamait au nom de la nécessité de maintenir les textes des nouvelles lois en harmonie avec les anciennes. Le comité des finances invoquait les droits du trésor. Un autre comité sollicitait l’examen au nom des intérêts spéciaux que la proposition visait, agriculture, commerce, travail, marine, guerre, etc. Lorsque la question ne faisait pas doute, c’était le président de la chambre qui désignait les comités chargés de l’examen. Lorsque les auteurs de la proposition n’étaient pas d’accord avec le président ou l’assemblée, ils élevaient au contraire des discussions qui passionnaient et qui ont occupé parfois jusqu’au tiers d’une séance. Le débat prenait en apparence un caractère technique et l’on discutait longuement si les côtés financiers du projet avaient plus d’importance que le côté administratif ou le côté industriel. En réalité, la question était purement politique, et il s’agissait de donner l’examen et surtout le rapport au comité qu’on supposait le plus favorable ou le plus défavorable, suivant qu’on approuvait ou condamnait le projet.

L’assemblée constituante fut saisie d’un très grand nombre de propositions relatives au crédit hypothécaire, projets de banques foncières, de banques départementales, de crédit au travail, d’ateliers nationaux pour défrichement et construction de canaux d’irrigation. Elle fut saisie également d’un grand nombre de propositions relatives aux questions de salaires, d’organisation du travail, etc. Au début, les comités, saisis de ces projets, se mirent tous à la besogne avec une réelle bonne volonté ; mais peu à peu certains comités s’enfermèrent dans des travaux qui les intéressaient particulièrement ; quelques-uns, comme celui des finances et celui de législation, assiégés de propositions urgentes à rapporter, délaissèrent les travaux de longue haleine ou ne donnèrent que de simples avis généralement négatifs. Les comités techniques inclinaient naturellement à ne Voir que le côté spécial et l’intérêt particulier qui les touchait. On se renvoyait ou l’on se disputait le rapport par des motifs qui étaient loin d’être élevés et favorables à une bonne solution de la question.

Dès le début de l’assemblée, les inconvéniens de cette méthode vicieuse et de ce choc des spécialités apparurent. A l’occasion de la proposition de Montreuil, qui demandait un crédit de 300 millions de francs pour défrichement et colonisation de l’Algérie, Perrée signala le danger de charger un seul comité du rapport : « Il est bien évident, dit-il, que si un seul comité est chargé d’étudier une question complexe, il l’étudiera à son point de vue spécial. Il viendra faire à l’assemblée un rapport très net, très clair, très