Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vérité, cachée soigneusement jusqu’ici, éclate dans quelques jours, et qu’il apparaisse alors que le Brésil est au seuil d’une longue période d’agitation et d’anarchie, que cet immense territoire, presque aussi vaste que l’Europe, avec sa population de 14 millions d’habitans, dont un quart à peine de race blanche, soit voué fatalement à une dislocation entre plusieurs républiques indépendantes, et que dans ce naufrage politique sombre la prospérité financière avec la possibilité de faire face aux engagemens contractés à l’égard de l’Europe.

Il n’est pas besoin de dire ce qu’il adviendrait alors des fonds brésiliens. Mais il est possible, d’autre part, que le prochain courrier ne nous apprenne rien que n’ait déjà dit le télégraphe, que la révolution n’ait en effet suscité aucune résistance, et que toutes les provinces se rallient au projet d’établissement d’une république fédérative. Dans ce cas, la situation financière du Brésil peut rester bonne, les recettes fédérales suffire aux charges assumées, et le gouvernement républicain se montrer aussi scrupuleux que l’empire dans ses relations avec ses créanciers, extérieurs ou intérieurs.

Même en ce cas, il n’est pas permis de prévoir un retour immédiat, ni même un retour complet, à échéance plus ou moins éloignée, de l’ancienne confiance. Les cours reprendront, mais les capitalistes européens ne verront dans cette reprise qu’une occasion propice de réaliser leurs placemens en fonds et autres valeurs du Brésil. Les prix actuels ne seront donc guère dépassés, et s’ils le sont passagèrement, il sera prudent de prévoir une nouvelle dépréciation.

Dès les premières nouvelles de la révolution, la prime de la Banque nationale du Brésil était tombée de 150 à 75 francs, et la Banque de Paris avait reculé de 845 à 795 francs. Sur les assurances réitérées par télégrammes que le nouveau ministre des finances était résolu à maintenir tous les engagemens de son prédécesseur, la première de ces valeurs a repris à 110 francs de prime, ce qui, ajouté au pair de l’action, 566 fr. 50, donne le cours de 676 fr. 50, et la seconde s’est relevée à 815 francs.

Les rentes du Portugal et de l’Espagne ne pouvaient que subir, dans une assez forte mesure, le contre-coup de l’événement brésilien. Il y a des républicains à Lisbonne et à Madrid, si petit que soit leur nombre, et l’on pouvait craindre la contagion de l’exemple. Le 3 pour 100 portugais a fléchi d’une unité et demie, le 4 pour 100 extérieur d’une unité. Ajoutons que le Portugal s’engage, en ce moment même, dans un conflit avec l’Angleterre à propos de la possession du bassin du haut Zambèze, et que le gouvernement espagnol se trouve aux prises avec de très grosses difficultés budgétaires.

Tandis que surgissait dans le Nouveau-Monde cette cause imprévue d’inquiétude pour les capitalistes de l’Europe occidentale, on n’a cessé, pendant la seconde quinzaine de novembre, d’observer avec une