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ajourné, mais non pas abandonné la revendication par le traité de Worms, et auxquels la France se montrait prête à apporter son appui. Elle ne demandait en échange qu’un établissement pour l’infant Philippe en Italie, et pour elle-même une rectification de territoire peu importante sur les frontières de la Provence et du Dauphiné ; de plus, la réintégration de son protégé, le duc de Modène (époux d’une princesse française), dans le petit état dont la guerre l’avait dépossédé ; enfin, quelques faveurs pour la république de Gênes, que les dernières conventions avaient maltraitée. À ce prix, France, Espagne, Naples et Gênes marcheraient de concert, — on osait l’assurer, — à une véritable croisade pour assurer à Charles-Emmanuel la souveraineté de la Lombardie.

Le second projet avait peu d’importance : il ne s’agissait que de régler le sort du duché de Mantoue, enlevé à l’Autriche, dans le cas où le sénat de Venise refuserait de le recevoir en don.

Mais c’était dans le troisième document, élaboré et développé avec un soin tout particulier et portant l’empreinte du talent comme de l’ordre d’idées favori de d’Argenson, que le ministre français avait déployé toute son éloquence. En tête venait un véritable réquisitoire contre la tyrannie exercée en Italie par la domination allemande : — L’empereur d’Allemagne, y était-il dit, se prétend des droits sur l’Italie, et c’est en vertu de ces droits prétendus, qu’il foule les peuples sans pitié et les pousse aux plus grands excès par une série d’extorsions et de violences : il traite les souverains italiens ignominieusement. Les princes d’Italie sont en droit de réclamer contre ces prétentions et de les faire déclarer nulles : ils sont fondés à prétendre qu’ils sont absolument indépendants et ne dépendent que de Dieu seul. » Suivait alors le plan d’une confédération à établir en Italie, et dont l’organisation était prévue et décrite dans ses moindres détails. Nulle atteinte n’y serait portée à la souveraineté illimitée de chacun des contractans. On leur demandait seulement de se regarder comme un seul et même corps dont chacun d’eux n’est que membre, et d’agir par un même esprit pour soutenir leur indépendance. Des garnisons entretenues à frais communs défendraient les places frontières et les passages des Alpes. Un contingent, fourni par chaque état, entretiendrait une armée fédérale, qui ne s’élèverait pas à moins de 80,000 hommes, et dont le roi de Sardaigne, comme le plus puissant prince d’Italie, aurait le commandement, s’il lui convenait de le prendre. Une assemblée, composée sur le modèle de la diète germanique, réunirait les représentans des divers états et déciderait tous les points relatifs aux intérêts communs. Enfin, un article spécial établissait qu’en aucun cas les possessions assignées aux deux princes de la maison de Bourbon (don