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en est impossible et cet air doit être complètement vicié. Il serait difficile de concevoir un plan plus incompatible avec l’aération des logemens. Je me demande quelles émanations, quelles odeurs on doit y respirer, et je m’étonne que les maladies infectieuses n’y rognent pas en permanence. La promiscuité des cabinets d’aisances, leur situation dans les escaliers placés aux angles des bâtimens, sont également des causes d’insalubrité évidentes. L’exemple du familistère de Guise n’est donc pas à suivre en ce qui concerne la disposition des édifices. Si j’en ai fait la critique, c’est parce que l’établissement de M. Godin constitue une expérience de premier ordre, dans un sujet qui a encore grand besoin d’être éclairé. En dépit des réserves que j’ai cru devoir faire au sujet de ses conditions économiques, l’entreprise a réussi. Il est vrai que le succès tient surtout à la capacité personnelle du fondateur. Il est à craindre que la mort encore récente de M. Godin et de son fils ne porte une sérieuse atteinte à la prospérité de l’établissement qu’ils ont fondé.

L’hygiène de l’habitation bourgeoise est l’objet d’une démonstration très probante et d’un genre tout particulier dans le pavillon de la ville de Paris, le plus rapproché du palais des Beaux-Arts. On y a construit deux petites maisons semblables à celles qu’habite la population ouvrière, dans les quartiers excentriques. Extérieurement elles sont toutes deux semblables : mêmes dimensions, même aspect, même mode de construction, mêmes ouvertures. Toutes deux se composent d’un rez-de-chaussée et de deux étages ; mais là cesse la ressemblance, et les dispositions intérieures sont complètement différentes. Dans l’une, on a réuni tout ce qui peut rendre une maison malsaine ; dans l’autre, on a réalisé toutes les combinaisons propres à assurer la salubrité. Les deux petits édifices sont réunis, à la hauteur du second étage, par une passerelle qui permet de se rendre de l’un dans l’autre. Des barrières et des écriteaux guident le visiteur dans son inspection.

On entre par la maison insalubre et, avant d’en franchir le seuil, on remarque, sur la façade, un tuyau en fonte dont les joints laissent suinter les eaux ménagères. Le parquet du rez-de-chaussée est posé sur des lambourdes encastrées dans le sol. Le lavabo, dont les tuyaux ne sont pas syphonnés, permet le reflux des gaz dans l’appartement. L’évier de la cuisine déverse ses eaux dans la rue par une gargouille, et leur odeur se mêle aux émanations de l’égout qui est en communication directe avec la cuisine. Une petite cour sombre, étroite, mal pavée, donne passage à des caniveaux qui ne sont pas étanches et laisse voir l’orifice mal clos d’une fosse fixe qui déverse ses gaz sous les fenêtres et ne peut