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cette éternité attribuée à l’exploitation d’une richesse appelée fatalement à disparaître dans un délai souvent assez court[1]. »

Si cette disposition doit rétroagir, c’est le bouleversement complet du régime des mines ; c’est l’inégalité des conditions, si elle ne regarde que l’avenir. Mais le peu de concessions nouvelles sur lesquelles il est permis de compter ne vaudrait pas l’honneur d’une législation spéciale : à de très rares exceptions près, comme le fait observer M. Aguillon, nous ne pouvons nous flatter de posséder dans notre vieux pays, si connu et si exploré, des richesses minérales tant soit peu sérieuses, qui ne soient pas déjà appropriées. Aussi, est-ce bien d’une loi rétroactive qu’il s’agit : les nouveaux cas de déchéance, la nouvelle définition de la propriété souterraine, et, — par le moyen détourné que l’on sait, — la réduction des périmètres, s’appliqueraient aux mines déjà instituées. Et le préjugé de l’omnipotence de l’État en pareille matière est si bien enraciné, que nombre de gens, peut-être trouveront la chose toute naturelle. On parle toujours des concessionnaires comme si la nation s’était dépouillée à leur profit ; partant de là, les impatiens ont dénoncé l’abus et sommé les pouvoirs publics d’y mettre un terme ; les modérés : n’ont trouvé d’autre : réponse que de représenter les compagnies minières ; comme dépositaires d’une part de fit richesse nationale, et chargées de la faire valoir pour le commun profit. À cette conception fausse de leurs devoirs et de leurs droits, les concessionnaires ont gagné, dans le début, certaines prérogatives dont ils savent aujourd’hui tout le prix, une protection particulière qui s’est bientôt transformée en protectorat. La vérité, c’est que la concession n’est pas plus une libéralité qu’elle n’entraîne le dessaisissement de l’État : lorsqu’elle est faite au propriétaire de la surface, la mine ne change pas de maître ; lorsqu’un autre l’obtient, ce sont les droits du propriétaire foncier qui passent sur sa tête, et la redevance tréfoncière est le prix, parfois insuffisant, du rachat. Les concessionnaires ne traitent donc pas avec l’administration ; ils n’ont pas d’engagemens à prendre envers elle ; leurs charges fiscales, leurs devoirs au point de vue de la police et de la sécurité publique, leur sont tracés par la loi ou par les règlemens généraux ; — des conventions particulières n’y pourraient rien changer. C’est, avec le maître du sol qu’ils contractent par l’intermédiaire du gouvernement. Si donc

  1.  : Comme ou l’a fait remarquer fort justement, l’extinction du droit de propriété par l’épuisement du gîte permettrait à l’exploitant de se désintéresser des affaissemens de terrain qui peuvent se produire après qu’il aura vidé les lieux. Aussi la commission a-t-elle maintenu la propriété indéfinie de la mine. Nouvelle preuve que la mine est bien une portion du sol, et cette conclusion se retourne contre le prétendu droit de l’inventeur et contra la suppression des redevances tréfoncières.