Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/912

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

définition qui s’applique également à Strasbourg, à Douai et à Clermont… Le savoir, fractionné comme une monnaie courante, a été répandu par petites sommes, et les écoles restreintes pullulent au détriment des grandes… L’intention qui dota Aix et Douai du droit et des lettres, Marseille et fille des sciences, a réparti les denrées au gré des consommateurs. »

De ce mouvement d’idées, il sortit une institution et un programme. L’institution, ce fut l’École pratique des hautes études. Pesez bien chacun de ces mots : école pratique des hautes études ; ils disent l’institution tout entière, son but, son caractère, ses moyens d’action, et la révolution qui par elle allait s’opérer dans l’enseignement supérieur. L’École des hautes études, telle que la conçut M. Duruy, devait avoir cinq sections : les mathématiques, les sciences physiques, les sciences naturelles, les sciences économiques, les sciences, historiques et philologiques. Ce devait être, en dehors de leurs situations officielles, l’affiliation corporative des maîtres les plus autorisés de la science. On y vit réunis, dès le premier jour, Claude Bernard et Sainte-Claire Deville, Wurtz et Berthelot, M. Bertrand et M. Serret, M. Boissier et M. Bréal, M. Gaston Paris et M. Monod. Elle siégeait partout, au Muséum, au Collège de France, à l’École normale, à la faculté des sciences, à la faculté de médecine, à la bibliothèque de l’université, au voisinage de la faculté des lettres, partout où il y avait des maîtres, au sens plein de ce mot. À ces savans on donnait plus de ressources que par le passé pour leurs travaux personnels ; à ces maîtres, on assurait des élèves, de vrais élèves, non pas des auditeurs de passage, mais des apprentis, des compagnons ; aucun programme ne leur était imposé. On leur demandait simplement d’être des chefs d’atelier, et de former de bons ouvriers de la science.

Qu’on le remarque ; ce n’était pas, malgré quelques élémens fournis par elles, une transformation intime des facultés. C’était, à côté d’elles, la constitution d’un organisme nouveau, pour une fonction dont elles n’avaient encore que vaguement conscience, et qu’elles étaient alors incapables de réaliser. Mais peu à peu, de cet organisme, au contact duquel elles allaient vivre désormais, l’esprit scientifique, allait s’infiltrer en elles par une exosmose continue. La bonne et fraîche semence déposée dans le soleil y a vingt ans a fructifié, et la moisson nouvelle pousse aujourd’hui partout dans les champs d’alentour.

L’École des hautes études n’était que le point central d’un plus vaste programme : pour la science, dotation moins pauvre des laboratoires, création de bibliothèques, publications scientifiques, recueils périodiques, missions et expéditions scientifiques, voyages