maîtresse en est originale, très grave et très belle. Exposée par le piano d’abord, elle passe ensuite à l’orchestre, pour y prendre toute sa plénitude au-dessus d’un trille de piano éclatant, prolongé, qui marque l’apogée, l’épanouissement du morceau. De tous les musiciens, ce doit être Beethoven que M. Lalo préfère. L’élévation de la pensée et la solidité de la forme trahissent ici, non pas l’imitation, mais la connaissance et l’admiration profonde du maître. Le finale n’est pas moins conforme aux traditions de Beethoven. L’auteur du premier morceau de la symphonie en la et du finale du concerto en un bémol en eût aimé l’aplomb rythmique, l’élan un peu sauvage et la rude énergie, détendue çà et là par une grâce sans fadeur et une fantaisie sans désordre. M. Lalo ne s’égare jamais ; il va tout droit, et très vite : dans ce finale, peut-être même trop vite. Le développement d’un motif du premier morceau, repris avec un rythme nouveau, s’arrête un peu court ; en faisant plus long, le compositeur eût fait mieux encore. Voilà, dira-t-il, une critique qui ressemble à un éloge. Nous l’entendons ainsi, et la manière très sobre, très brève de M. Lalo, peut lui mériter parfois ce reproche flatteur.
Dans le même concert, Mme Krauss a chanté mieux que jamais, ou plutôt aussi bien que toujours. Allez l’entendre dire l’air d’Alceste : Non ! ce n’est point un sacrifice. Voyez-la debout, en vêtemens sombres, immobile, l’œil perdu dans son extase de mort. Quelle grandeur, due à quelle simplicité ! Quelle assurance à ces mots : Non, ce n’est point un sacrifice ! prononcés pour la première fois. Mais voici le trouble, les défaillances, et quand les mêmes paroles reviennent, c’est sur des lèvres tremblantes, incapables de les prononcer sans paraître les démentir. Image d’un époux que j’adore et qui m’aime ! Par quel heureux contraste, par quel cri de passion aussitôt suivi de quel soupir de modestie, presque d’humilité, l’artiste indique une nuance exquise entre l’amour que ressent Alceste et celui qu’elle inspire ! Quand on chante ainsi, on chantera ainsi toujours. Le talent de Mme Krauss ne passera jamais, parce qu’il est avant tout la manifestation d’une âme, et que l’âme ne passe point. Cette voix peut tomber, sans que cette ardeur s’éteigne.
Il semble même que le chant de Mme Krauss se spiritualise de plus en plus que tout intermédiaire matériel ait désormais disparu entre son cœur et le nôtre.
C’est par le cœur, sans lequel il n’est pas d’artistes ou d’œuvres d’art, que nous a repris Mireille. Mireille a vingt-cinq ans, et, comme on dit, ne les paraît pas, tant elle a de grâce juvénile, et même adolescente. Vous savez qu’aujourd’hui l’héroïne ne meurt plus : elle épouse Vincent. On a trouvé ce dénoûment plus conforme, sinon à l’esthétique, du moins à la sensibilité des habitans du quartier. Les quais ont plus de cœur que le boulevard. On a trouvé aussi ce dénoûment