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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/146

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flatteurs, et que la politique rôde autour d’elles pour y pénétrer. Celle de Paris, qui naturellement est la plus connue de toutes et fait le plus de bruit, aura probablement à lutter contre quelques conditions défavorables ; plus elle s’étendra, plus il lui sera difficile de continuer à vivre comme elle est. Les étudians sont trop nombreux dans la grande ville ; on ne voit pas comment une intimité étroite pourrait exister entre dix ou douze mille jeunes gens, qui sont étrangers les uns aux autres par leurs études, leur origine, leurs relations, leurs habitudes, et il est vraisemblable qu’un jour ou l’autre ils seront amenés à se fractionner en plusieurs sociétés distinctes. L’union est plus aisée en province : on s’y connaît mieux, on appartient d’ordinaire aux mêmes régions, on vit plus près les uns des autres, et en même temps qu’il y est plus facile de se grouper ensemble, on en sent mieux la nécessité qu’à Paris, parce que les distractions y sont plus rares. Les étudians de Montpellier ont pris goût à la vie commune, et, comme partout, ils ont cherché d’abord à se faire un domicile qui leur appartînt. Ils ne sont pas plus riches qu’ailleurs, mais ils ont eu la bonne chance de trouver un entrepreneur confiant qui leur bâtit, sur l’esplanade, une demeure charmante, qu’ils paieront plus tard, quand ils pourront. La maison est déjà au premier étage ; lorsqu’elle sera finie, ils pourront se vanter d’être les étudians les mieux logés de France. En attendant, ils ne s’occupent pas seulement de droit et de médecine, de mathématiques ou de latin ; en vrais enfans du midi, ils cultivent aussi les arts. Les musiciens sont parmi eux en assez grand nombre pour qu’ils aient pu former un orchestre et un chœur. A la représentation de gala, qui fut offerte au président de la république, on les vit remplacer un moment les artistes du théâtre à leur pupitre ; un des leurs prit le bâton du chef d’orchestre, tandis que les autres, groupés sur la scène autour de leur drapeau, entonnaient vaillamment un hymne que M. de Bornier avait écrit pour eux et dont la musique était de M. Paladilhe[1]. Il est inutile de dire que le succès fut très vif ; et je suppose que, comme il y avait, dans l’assistance, beaucoup d’amis de l’antiquité, plusieurs d’entre eux durent se souvenir que, chez les Athéniens, la musique était une des parties importantes de l’éducation des éphèbes.

Ce qui méritait aussi d’être remarqué, c’est que les autorités ecclésiastiques ne s’étaient pas abstenues de paraître à cette fête universitaire. Sur l’estrade, à quelques pas du président, siégeait l’évêque de Montpellier, Mgr de Cabrières ; un peu plus loin, l’archevêque d’Andrinople, un beau vieillard à barbe blanche, et le père Denifle, le savant historien des universités du moyen âge,

  1. M. de Bornier et M. Paladilhe sont tous deux nés à Montpellier.