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LE
ROI CHARLES-ALBERT
D'APRES UNE BIOGRAPHIE RECENTE

Le prince Charles-Albert de Savoie-Carignan, qui fut roi de Piémont de 1831 à 1849. a dit souvent : « Ce monde est fait pour aller mal : questo mondo è fatto per andar male. « Il disait aussi dans les dernières années de sa morose et tragique existence : « Ma vie fut un roman, cl je n’ai pas été connu. » Dans sa jeunesse, sa devise était : « J’attends mon astre. » Cet astre qu’il attendait ne s’est jamais levé. Ce prince d’une taille au-dessus de l’ordinaire, au long visage émacié, à la figure immobile et mystérieuse, au regard triste et aussi inquiétant que sa voix était caressante, mérite une place d’honneur parmi les rois malheureux, parmi ceux qui ont le plus souffert et bu le calice jusqu’à la lie.

Dès ses premières années, tout lui fut contraire. Il était né le 2 octobre 1798, et quelques jours après, le Directoire chassait de Turin la vieille dynastie sarde. Il passe son enfance dans l’exil. Il a perdu son père, et bientôt il a le chagrin d’apprendre que sa mère, qui était la plus délurée et la plus fantasque des honnêtes femmes, se remarie avec un auditeur au conseil d’état, petit homme laid et boiteux, le comte de Montléart. « Imaginez, disait l’enfant, que par un froid de quatorze ou quinze degrés, M. de Montléart me faisait monter sur le siège de la voiture où il s’enfermait avec elle ; ce que j’ai souffert de sa part ne peut se dire. » Pour se débarrasser de lui, on l’envoie faire ses études dans