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appeler sur les agitateurs les bénédictions du Ciel, les Bourbons de Naples eux-mêmes tentent de s’accommoder avec leurs peuples. Ce qu’accorde un Ferdinand II, Charles-Albert peut-il le refuser ? Au commencement de 1848, il promet à ses sujets cette constitution ou ce statut qu’il avait juré de ne jamais leur donner, et il pense sauver son honneur en manquant à sa parole. De ce jour, il a changé de tuteurs : ce n’est plus le parti rétrograde, c’est la révolution qui le tient ; elle ne le lâchera pas. Elle lui commande de se battre pour l’indépendance italienne. Il déclare la guerre à l’Autriche, remporte quelques avantages, arrive sur les bords du Mincio, prend Peschiera. Son astre s’est-il enfin levé ? Sa joie sera courte ; dès sa naissance, il a été promis au malheur.

Ses alliés l’abandonnent, et soldat vaillant, mais général incapable, il n’est pas homme à se tirer d’affaire. Après avoir repris Vicence, Radetsky le bat à Custozza. Il faut songer à la retraite, et cette retraite se tournera en déroute. Quelques mois auparavant, lorsqu’il traversait les cités lombardes, les fleurs pleuvaient sur lui et les plus belles femmes de l’Italie baisaient dévotement ses éperons. Quand il rentre à Milan, peu s’en faut qu’il n’y soit massacré. Il repasse le Tessin, signe un armistice. Son visage dévasté, ses traits rigides, ses yeux creux racontent ses désastres, et il porte sur son front la pâleur de ces ennuis qui tuent. Ce n’est plus qu’une ombre de roi ; mais vraiment, avait-il jamais été autre chose ? C’est à peine si on lui permet d’exercer les droits que lui reconnaît la constitution ; ses ministres ne le consultent plus. Il se trouve dans une de ces situations désespérées où les partis les plus absurdes paraissent les plus sûrs, où la folie devient sagesse. La politique lui commande de s’arranger à tout prix avec l’Autriche, et sa brave armée, elle-même à bout de forces, lui demande grâce. Se flatte-t-il d’avoir lassé sa calamiteuse destinée, ou veut-il mourir ? Il dénonce l’armistice, rentre en campagne, essuie à Novare une fatale et suprême défaite. Cette fois, c’en est fait. Ce roi, qui n’est qu’une ombre, abdique, laissant à son fils le soin de traiter avec le vainqueur, et sans avoir revu la reine, il s’exile en Portugal, à Oporto, où il meurt quatre mois plus tard, le 28 juillet 1849.

Ce malheureux souverain, qui se plaignait de n’avoir pas été connu, aurait éprouvé un grand soulagement d’esprit dans sa douloureuse agonie s’il avait pu prévoir que, quarante ans après sa mort, sa mémoire trouverait un chaleureux et éloquent défenseur, et que ce défenseur appartiendrait à une de ces vieilles familles savoyardes dont il avait mis souvent à l’épreuve le zèle et la fidélité. Un Costa avait été l’ami de sa jeunesse ; un autre fut le confident de ses dernières douleurs ; c’était affaire à leur petit-neveu de raconter le roman d’un prince qu’ils avaient vu de très près et longtemps pratiqué. M. le