Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/257

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hallali! 251 — Ah! parbleu! ce n’est pas mal pour un psychologue d’avoir deviné cela, monsieur Real!.. Eh bien! écoutez-moi. Quiconque n’aura pas celui-là dans son jeu n’épousera pas M IIe Marie-Made- leine Hart. Il allait peut-être en dire davantage quand la voix de la douai- rière s’éleva, aigre et doucereuse à la fois, pour interpeller les deux amateurs de fumerie, compagnons de son fils : — Messieurs, vous ne trouverez pas mauvais que je vous fausse compagnie, ce qui ne sera que vous rendre strictement votre poli- tesse. D’ailleurs, je me figure que vous serez aises de vous cou- cher de bonne heure, puisque vous chasserez demain... à tir, cette fois, n’est-ce pas? J’ai rencontré tantôt, dans la cour, Dervieux, le garde, qui m’a promis, pour votre plus grand amusement, une belle hécatombe dans les tirés de Chailly. Puis, se tournant alternativement vers son fils et vers M. Real, elle ajouta : — Quant à vous, messieurs, qui ne prisez pas autant la chasse à tir, je ne vous en souhaite pas moins de vous couvrir de gloire. Vous n’avez guère brillé comme veneurs, le jour de la Saint-Hubert ; vous demanderez demain votre revanche au fusil. Enfin, s’adressant aux femmes : — Et vous, mesdames, vous aurez à montrer vos costumes, ce qui est le grand attrait de la chasse à tir pour vous... et aussi, je me l’imagine, pour quelques-uns de ces messieurs. Sur quoi elle fit signe à Marie-Madeleine et à Hélène, qui s’étaient avancées toutes deux, de ne pas se déranger davantage ; et, de son pas de vieux fantôme ou de vieille fée, elle s’alla coucher avec l’aide de sa femme de chambre, qui l’attendait, selon l’usage, dans le ves- tibule. V. Une clairière en forêt, toute proche de la lisière des bois; du givre aux arbres ; du soleil dans un ciel pâle : un joli paysage d’hiver, auquel il ne manque que la venue de quelques person- nages pour devenir un charmant décor. Car cet espace vide et lu- mineux semble attendre des hôtes qui le peuplent et l’égaient, qui réveillent les échos engourdis des bois environnans et apportent au moins une représentation de la vie dans un endroit si bien pré- paré pour lui servir de cadre. Mais voici que des grelots tintent au loin. Une voiture s’arrête vers l’orée du bois, à quelque cinquante mètres de la clai-