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HALLALI ! 259 tées sans réponses, comme mes supplications verbales... Et ce mot, que vous n’avez pas daigné m’adresser directement, ce mot que, de guerre lasse, vous avez consenti à tracer sur un bout de papier, glissé dans un livre... — Ce mot, interrompit la jeune fille, c’était : Jamais. Enten- dez-le donc après l’avoir lu. — Écoutez-moi... — Rien, rien... Jamais! Vous savez pourquoi et comment je suis chez vous : à cause d’Hélène, dont vous vous êtes servi pour m’y attirer, avec une diplomatie plus ingénieuse qu’honorable. Cela suffit. C’est déjà trop. — Cependant, vous me désespérez... Et, si je voulais, après tout... — Osez donc! dit la jeune fille d’un ton de défi plus douloureux que fier. — J’oserai! fit le baron avec un accent de rage sourde et de résolution suprême. VI. Une soirée à peu près pareille à la précédente, mais encore plus terne, plus éteinte, par suite de la fatigue d’une journée de chasse. — Au dehors, cependant, la nuit froide et superbe resplendit d’étoiles. Frantz est absorbé, seul dans un coin du salon ; Marie-Madeleine et sa cousine échangent quelques paroles de loin en loin ; la douai- rière somnole; son fils et deux ou trois amis sont allés fumer, selon l’usage. Quant à Edgar Lecourtois, qui avait d’abord accompagné les fumeurs, il n’a pas tardé à revenir. Et, présentement, il flirte avec M me Frugères. Mais, tout à coup, Real observe que ce flirt tourne au grave. On devient sérieux, ce qui n’était guère présumable de la part du jovial Edgar et de la peu ténébreuse Aimée. On discute, on se contredit, on se querelle, au lieu de se sourire. Et, grâce aux fréquens coups d’oeil, plus ou moins furtifs, qui visent M lle Hart, il n’est pas trop malaisé de deviner que c’est la jeune fille qui sert au moins de prétexte au différend. Frantz, alors, guette le moment où il pourra prendre à part Marie-Madeleine, — ce qui ne saurait tarder beau- coup, car la conversation des deux cousines languit de plus en plus. — Savez-vous, mademoiselle, que, si beaucoup de gens vous aiment, il en est aussi qui vous haïssent ou vous veulent du mal ?