Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/266

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!>(J0 REVUE DES DEUX MONDES. Il avait, avec prestesse, saisi le moment où Hélène se levait, afin de donner un ordre, et il lui avait succédé près de la jeune fille. — On me hait? On me veut du mal? Gela m’étonne, car je ne hais personne, moi, ni ne veux de mal à qui que ce soit... Mais, apprenez-le, si j’avais le choix, je demanderais à être haïe plutôt qu’aimée ! Elle avait parlé avec une conviction presque véhémente, quoi- qu’elle en dût contenir l’accent à cause des oreilles assez nom- breuses ouvertes dans le voisinage. — Ce ne sont pas des hommes qui vous haïssent, dit Frantz en secouant la tête. Hélas ! quel homme pourrait vous haïr... du moins, avant de vous avoir aimée? Mais il y a des femmes pour cette be- sogne. — Une femme me hait? Plusieurs peut-être? — Peut-être plusieurs... Et, par exemple, la vieille baronne, qui, tout en faisant la chattemite, ne rentre pas toujours à temps ses griffes quand elle vous tient sous sa patte. — C’est vrai, fit Marie-Madeleine avec indifférence. Je m’en suis aperçue... Mais, si vous saviez... — Si je savais comme ça vous est égal, n’est-ce pas? Oh! je m’en doute... Cependant, voyons, il ne peut pas vous être indiffé- rent que l’on vous juge mal, que l’on vous calomnie... — Qui me calomnie? demanda la jeune fille avec une vague inquiétude dans le regard plus que dans le ton. La douairière? — Non, pas précisément, que je sache. — Ce n’est point Hélène, je pense? — Oh! non, encore bien moins. Celle-là vous est acquise. Et, d’ailleurs, c’est une trop charmante et trop excellente per- sonne... — Bon, bon!.. Mais qui, alors? — Regardez, tout doucement, devant vous. — M me Frugères! fit Marie-Madeleine avec surprise. Je la con- nais à peine. — Elle trouve, sans doute, qu’elle vous connaît trop. — Ah! j’y suis! C’est à cause de M. Lecourtois, dont elle vou- drait faire son sigisbée et qui s’est malencontreusement imaginé de soupirer pour moi, lui aussi!.. Quand me laissera-t-on tranquille, grand Dieu!.. Mais en quoi me calomnie-t-ellc? Que peut-elle me reprocher ? — Je n’ai rien entendu de catégorique. J’ai seulement surpris une remarque et un regard... désobligeans. — Eh bien? Cela ne vous a pas détourné de ma personne? Non, répondit Frantz, dont le regarJ s’alluma d’une étrange