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'11k REVUE DES DEUX MONDES. Or, à quoi bon ce bruit? D’abord, à la différence de son prédé- cesseur historique, M. Real, n’ayant pas encore été agréé par la jeune fille, n’avait aucun droit. Ensuite, le mariage étant devenu impossible de par la nature des laits, et avant même que le projet en eût été divulgué, le bruit et le scandale pouvaient être consi- dérés comme superflus. Enfin, M me de Buttencourt, pour n’être point enceinte, n’en était pas moins à ménager, et Frantz avait pour elle une grande et fraternelle affection. Donc, il fallait voir sans être vu, ce qui ne laissait pas de pré- senter bien des difficultés, surtout si, comme c’était à croire, les volets n’avaient été maintenus ouverts que dans un dessein d’aver- tissement ou à titre de signal convenu. Que la jeune fille les fer- mât avant l’entrée de M. de Buttencourt ou sans que celui-ci se fût montré, Real en était pour ses frais d’espionnage : il n’avait rien appris de nouveau... rien de certain, du moins. Mais les volets ne se fermaient point. Et il y avait peut-être, dès lors, un moyen de voir quelque chose. — Le château de Ru- bécourt est de construction moderne; mais, ayant été construit en briques et en pierre, il ne pouvait manquer de rappeler le style Louis X11I. 11 a donc trois corps, c’est-à-dire une façade et deux ailes en retour. Sa face principale regarde le parc, ce qui s’explique par ce fait que, du côté de la cour et du village, se trouvant en contre-bas de la grand’route, grâce à la déclivité du sol, il est à peu près caché aux passans de ce côté, tandis que, de l’autre, on peut le voir à travers les arbres, ou même en perspective, dans l’axe des percées. Le plan de Frantz fut bientôt fait. Il s’agissait de rentrer dans le château par le vestibule, dont il avait la clef et que, d’ailleurs, il avait laissé ouvert ; de gagner le premier étage par le grand esca- lier, puis la bibliothèque, et enfin une petite pièce attenant à la bi- bliothèque, sorte d’oratoire dont la fenêtre, l’avant-dernière vers la gauche du corps de logis central, devait offrir une vue oblique sur la chambre de Marie-Madeleine. Parvenu sans encombre à son poste d’observation, Frantz ouvrit avec précaution les volets, referma à peu près la croisée, et, tapi dans l’ombre, regarda. — Ce qu’il vit était plus enchanteur que terrifiant. La jeune fille, après avoir tourné la tête, d’un air las, vers une pendule de Sèvres qui marquait deux heures moins le quart, rejeta d’un lent mouvement d’épaule l’espèce de mante blanche dans laquelle elle était enveloppée. Et Frantz constata, non sans surprise, qu’elle ne s’était point déshabillée. Elle avait toujours sa toilette de bal ou plutôt de soirée : une robe d’un vert très pâle, reflet d’astre, ouverte en pointe devant et derrière, mais ne dé- couvrant les bras que jusqu’au coude. Elle jeta un regard dans la