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parmi ses troupes un régiment qui portait le nom des Habits blancs de Newcastle (White coats of Newcastle). Ce régiment s’était constitué de lui-même en corps d’élite dans des circonstances assez particulières. Lorsqu’il l’avait formé, Newcastle, manquant de la quantité nécessaire de drap d’uniforme, l’avait habillé de drap blanc provisoirement, mais ces hommes voulurent que ce provisoire fût définitif, refusèrent tout autre uniforme, et devinrent pour Newcastle une garde d’honneur qui le servit jusqu’à la fin avec un entier dévoûment.

Il n’était pas jusqu’aux pouvoirs étendus que le roi lui avait conférés qui ne contribuassent à lui faire considérer cette armée comme sienne, car il avait frappé monnaie pour la nourrir et il avait fait des chevaliers pour récompenser les services de ses chefs. Et c’étaient ces troupes levées parmi ses gens, payées de ses deniers, récompensées directement par lui, dont on venait lui disputer, peut-être lui retirer le commandement ! Il y eut encore, probablement, une autre cause à cet exil précipité : c’est que la guerre civile allait prendre une nouvelle forme, tout à l’opposé de celle que Newcastle avait su lui conserver. Précisément parce qu’il avait levé ses troupes parmi ses hommes et qu’il possédait ses domaines là où il commandait, il avait épargné à ces régions du Nord les horreurs qui accompagnent d’ordinaire les guerres civiles ; sa douceur et son humanité naturelles avaient été doublées par ces circonstances, et par là s’expliquent ses intermittences d’action et sa modération envers ses ennemis. Pas d’exactions, pas de maraudes, pas de vols impunis, pas d’incendies ni de dévastations, et le moins de conseils de guerre possible contre les délinquans et les rebelles[1] ; mais, maintenant, tout allait changer de face avec Rupert, dont la qualité de prince étranger ne gênait pas la violence naturelle, qui, en combattant les rebelles, n’avait pas à se souvenir qu’ils étaient ses compatriotes, et dont la marche était invariablement accompagnée par l’incendie et le pillage.

Que ce dépit n’avait rien de passager et combien la blessure subie était profonde, toute la suite de sa conduite le montra avec évidence. Tout en protestant officiellement et à voix haute de son inaltérable dévoûment pour son royal élève, on ne voit pas qu’il ait eu la moindre velléité de le servir ou manifesté le moindre regret de ne le pouvoir, pendant les seize années de l’exil. Tout ce qu’il fit fut d’assister au conseil qui fut tenu en Hollande lorsque Charles II dut entreprendre son expédition d’Ecosse. Il y

  1. « Il ne siégea jamais aux conseils de guerre, dit la duchesse ; mais il accordait nombre de grâces à ceux qui étaient condamnés, et comme quelques personnes lui représentaient un jour qu’il devrait s’abstenir de cette clémence, il répondit gaiment que, s’ils pendaient tous les rebelles, ils ne lui en laisseraient aucun à combattre. »