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choses-là finissent... surtout quand on ne sait pas de quelle façon elles ont commencé.

M. de Buttencourt se retourna, hautain et surpris.

— Il y a évidemment, répliqua-t-il, une intention dans ce que vous venez de dire. Mais j’avoue, en toute ingénuité, que je ne la saisis pas… Au reste, je vous trouve, malgré votre grande réputation de clarté, souvent obscur, même dans vos livres... fort bien écrits, d’ailleurs, et qui charment, dit-on, quiconque, homme ou femme, les comprend. Le malheur est que tout le monde ne les comprend pas.

— Écoutez donc, mon cher, à moins d’être Orphée en personne, on ne saurait prétendre à charmer… tout le règne animal.

M. de Buttencourt rentra résolument dans la bibliothèque.

— Réal, fit-il, ne raillons plus : cela finirait mal… Quand partez-vous ?

Frantz, hésitant, regarda son hôte. Puis :

— J’ai réfléchi, répondit-il, ainsi que vous m’avez judicieusement conseillé de le faire. Et le résultat de mes réflexions, c’est que je ne pourrais, sans grossièreté, et peut-être sans inconvéniens, brusquer mon départ.

— Tant pis ! articula sèchement M. de Buttencourt.

— Oui-da ! Vous avez encore une fois changé de ton. Moi, j’ai changé de résolution, voilà tout... Mais, si vous tenez à ce que je m’en aille, il y a un moyen bien simple de me faire partir : c’est de dire à votre femme que je vous gêne.

M. Réal, à travers son binocle, fixait son œil gris très clair sur le visage courroucé de son interlocuteur, qui finit par lui tourner le dos sans plus répliquer.

Quand il fut seul derechef, le jeune homme marmotta rageusement :

— Partir, m’éloigner, à présent ?… Non pas, non pas. Je reste !

Henry Rabusson.



(La deuxième partie au prochain n°.)