avec ses treize ou quatorze cents habitans temporaires, Kusatsu réussit à produire le tapage et le remuement d’une grande ville.
A peine sommes-nous installés dans l’hôtel qui porte le nom de son propriétaire, Koku-ya, qu’un officier de police fait passer sa carte en demandant à nous voir. Il est cérémonieusement introduit par maître Koku-ya en personne. Nous voyons un homme de taille un peu au-dessous de la moyenne, replet, le visage rond et les lèvres minces, vêtu de l’uniforme d’été des policemen, c’est-à-dire tout de blanc habillé, mais dépourvu de la longue trique dont sont armés les agens de Tokio. Ainsi que nous l’apprendra maître Koku-ya dans la minute même qui suivra sa sortie, nous avons tout simplement devant nous la bête noire des gens de Kusatsu. Cet ex-samouraï, paraît-il, ne cherche pas à déguiser le dédain qu’il éprouve pour la population, — sédentaire, — de ce poste perdu où, depuis des années, on s’obstine à le maintenir malgré ses réclamations. Aussi s’acquitte-t-il de son service avec un zèle stimulé plus encore par la certitude d’être désagréable à ses administrés que par l’amour pur du devoir. Tour nous, dont il sait la qualité par nos passeports que vient de lui communiquer l’hôtelier en conformité des règlemens, nous comptons à ses yeux en tant que gentlemen exotiques : « Nous autres gens du monde… » dit sa figure qui n’a plus en se tournant vers nous l’expression qu’elle réserve aux habitans de Kusatsu. — L’officier nous fait courtoisement ses offres de service : « Si le patron de cette maison essaie de vous voler en vous faisant des prix exagérés, si son personnel est grossier à votre égard, veuillez me le faire savoir, et il sera puni sur-le-champ sévèrement. » Ce discours est débité en présence même du pauvre Koku-ya qui se tient dans une posture respectueuse, aussi éloigné de nous que le permettent les dimensions de l’appartement. L’obligeant visiteur nous donne ensuite quelques renseignemens sur Kusatsu.
En hiver, la place est à peu près abandonnée. Une centaine de personnes, — les vrais habitans, ceux-là, — restent pour garder les maisons. Ce n’est pas que le froid soit extraordinairement rigoureux, mais ôtez les baigneurs, Kusatsu n’a plus de raison d’être.
L’entrevue prend fin. L’officier s’éloigne en gonflant ses joues et en balançant ses bras courts. Maître Koku-ya le salue au passage par un prosternement. Il répond à cette révérence par un regard chargé de mépris.
Il paraît que nous avons produit sur son esprit une impression favorable, car il revient le lendemain, accompagné du maire. Ce fonctionnaire porte le chapeau rond et la redingote, mais cette dernière pièce rappelle un peu qu’elle sort de la main d’un tailleur