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canari ou l’uguisu bien-aimés dans le cimetière des bêtes méritantes. Ces manifestations d’affection ont passé dans les mœurs depuis des siècles. Le fait divers suivant, extrait et traduit littéralement d’un journal de Tokio, complétera cet exposé d’un côté naïf, mais aimable, du caractère japonais :

« Dans le village-station de Nakada-Yeki demeure un individu appelé Sawa-Ki Tiu-ta-ro qui, depuis quelque temps, nourrissait un chien d’origine européenne. Lui et sa femme, Mme O-Sen, chérissaient beaucoup l’animal. Un jour Mme O-Sen, en donnant à manger au chien, fut, sans aucune raison, mordue au doigt. Beaucoup de sang coula et elle tomba en poussant un cri de frayeur. Son mari, informé de ce qui s’était passé, lui prodigua ses soins et lui appliqua un onguent. Alors il dit au chien : « Nous t’avons nourri et toujours aimé. Pour avoir oublié nos bons traitemens et mordu, comme tu viens de le faire, il faut que tu ne sois qu’une détestable canaille ! » Puis il l’attacha en donnant plusieurs tours à la corde et le battit fortement. Après quoi, réfléchissant que la blessure de Mme O-Sen était assez légère, il dit qu’il faisait grâce ; et, ôtant les liens, il libéra le chien en lui accordant son pardon.

« Un certain temps s’écoula. Un matin, Mme O-Sen, un seau à la main, se rendit au puits pour rapporter de l’eau. Apercevant quelque chose d’indécis qui flottait, elle appela du monde et on retira cet objet. C’était le chien européen, si sévèrement corrigé quelques jours auparavant, qui s’était noyé et tenait encore entre les dents la corde qui avait servi à l’attacher. Le maître comprit que l’animal, tourmenté à la pensée des bienfaits qu’il avait reçus, était mort en expiation de sa faute. Il fut ému de compassion ; et, sentant qu’il n’était pas permis d’abandonner cette dépouille, l’envoya au temple où il paya libéralement pour le service funèbre. »


Nous n’avons pas trouvé hier de jin-riki-sya à retenir, ce qui n’est pas trop à regretter, la pratique de cette voiture étant un peu risquée dans ces régions tourmentées. Nous avons donc loué des kago, c’est-à-dire des palanquins.

Ce mot est employé ici à défaut d’autre pouvant rendre exactement le terme japonais. Il ne faut pas se figurer que nous allons voyager bercés dans des litières, à l’ombre de baldaquins de brocart. Le kago est plus rudimentaire, moins pompeux, mais aussi moins dispendieux.

Il consiste en une longue pièce de bois supportant un tablier étroit sur lequel le patient prend place. Les extrémités de l’axe fie la machine reposent sur les épaules de deux porteurs. L’espace est très circonscrit sous le double rapport de la hauteur et de la