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Saint-Sernin, la vieille église, était couronnée de canons pour foudroyer la cité en cas de rébellion. On rebâtissait Saint-Étienne, qu’un incendie avait détruit en 1609. On montrait encore l’hôtel de ville qui avait recueilli le nom glorieux de Capitole ; le parlement avec la salle d’audience, la table de marbre, les prisons des Hauts-Murats ; enfin les collèges parmi lesquels venait de s’insinuer timidement celui des jésuites, appelé à de plus hautes destinées.

L’impression produite par Toulouse sur les voyageurs était résumée par l’un d’entre eux en ces termes : « Située dans une belle plaine, arrosée par la Garonne, c’est la première ville du royaume après Paris et même, si l’on compte la beauté et le nombre des églises, la dignité du parlement, la fréquentation des écoles, la richesse des citoyens, la splendeur des édifices publics et privés, elle n’est pas loin d’être la première On pourrait, comme Athènes autrefois, l’appeler la ville de Pallas. »

Toulouse règne sur le Languedoc, soit comme chef-lieu de gouvernement, soit comme lieu de réunion des États, soit comme siège de l’archevêché, soit comme séjour du parlement. Tout le pays, administré par lui-même, peu chargé d’impôts, était riche ; Bodin donnait sa constitution en exemple. Comparativement au reste du royaume, il y faisait bon vivre ; on remarquait surtout la variété de ses productions, fruits, vins, fromens, poissons, gibier ; celui-ci si abondant, paraît-il, que, tous les jours, « on sert des perdreaux et des cailles pour le déjeuner et le dîner. »

Les habitans étaient curieux, insolens : « Ils regardent fixement les étrangers, comme des bêtes inconnues récemment amenées d’Afrique et ils s’interrompent de manger pour les considérer. En traversant les bourgs de la province, on rencontrait parfois un enterrement où les assistans poussaient de grands cris et de bruyans gémissemens. » Ou bien, au contraire, on voit « les filles danser, au milieu des rues avec des gesticulations étonnantes : » c’est toute l’exubérance méridionale. « Les Languedociens sont catholiques, faciles à émouvoir, dit un autre voyageur. Ils ont de l’esprit et veulent qu’on les croie. » Il ne dit pas s’ils méritent toujours d’être crus.

Carcassonne et Narbonne étaient les deux places fortes qui protégeaient cette frontière du côté du Roussillon, encore espagnol. Les tours rondes de Carcassonne, les tours carrées de Narbonne donnaient à ces deux villes un aspect très imposant. Les voyageurs devaient remettre leurs armes entre les mains des gardes, avant de franchir les portes.

Montpellier, avec son air salubre, l’agrément du climat, ses fortes études de médecine, était un lieu de séjour très apprécié. On s’y