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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet.

Un des caractères les plus singuliers et les plus frappans de nos affaires du jour, de la politique qui règne ou qui sévit en France, c’est le décousu en toute chose, le décousu des faits, et des idées, et des volontés. C’est la plaie, c’est le malheur du temps ! Ce n’est point assurément que dans ce pays, livré depuis tant d’années aux plus étranges épreuves, il n’y ait tous les élémens d’ordre, de régularité, de progrès pratique, de vie laborieuse et féconde. Il y a certainement en France, avec la vivacité quelquefois impatiente du tempérament national, un fonds inépuisable de raison et même de soumission aux pouvoirs établis, le goût instinctif de la modération et de la paix, le courage de la masse au travail, un besoin universel de clarté et de précision dans les affaires. Il y aurait plus que jamais aujourd’hui, à y regarder de près, le désir bien évident et bien modeste d’avoir un gouvernement sensé et éclairé, des lois équitables, une administration ménagère de tous les droits et de tous les intérêts, — des finances éclaircies, régularisées et prudemment conduites.

Ce serait assez simple en apparence ; mais c’est là justement ce qu’il y a de curieux : avec ces élémens et ces instincts, avec ces indications manifestes des vœux et des sentimens du pays, on reste sur place sans aboutir. On ne fait que du décousu, parce que la direction manque, parce que l’éternel ennemi, l’esprit de parti, se mêle à tout pour tout corrompre et tout fausser, parce qu’on ne peut pas arriver à se fixer, à se faire une idée nette et précise de la vérité des choses, des conditions nécessaires d’une action sérieuse. On veut, et on ne veut pas, on se débat dans les contradictions et les équivoques, entre les expédiens de la veille et les expédiens du lendemain. On mêle dans ce qu’on appelle une politique tout ce qu’il est possible d’imaginer, les velléités de socialisme, le protectionnisme, l’âpreté des intérêts locaux, les passions personnelles, les abus de domination, les vexations de secte, l’arbitraire de parti, — et le reste. Le résultat inévitable et