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invariable est la confusion. Et voilà, en définitive, ce qui arrive, voilà le bilan de ces derniers temps ! Depuis que la session est ouverte, même depuis les élections, on ne cesse de parler de la nécessité d’avoir un budget nouveau, de liquider une situation obérée, de rétablir l’équilibre financier, et avant leur séparation, les chambres ont à peine aujourd’hui le temps d’aborder dans une discussion sommaire ce qu’il y a de plus pressé. Dans l’intervalle, on a surtout voté des lois protectionnistes, des taxes sur le maïs, — sur ces malheureux raisins secs dont les viticulteurs de l’Hérault ne peuvent parler sans frémir. On s’est fort occupé aussi, avec plus de zèle que de profit, de réformes socialistes, à coup sûr peu libérales, plus redoutables peut-être pour la production nationale que bienfaisante pour les ouvriers. On s’essaie à tout assez confusément pour ne réussir peut-être à rien, — sans donner dans tous les cas au pays la politique qu’il attend, qui répondrait à ses vœux et à ses intérêts. On a commencé bien des choses, on ne les achèvera pas de sitôt ; mais le ministère sera sauvé pour les vacances parce qu’il a fait la campagne contre les religieuses de Vicq, — sans doute aussi parce qu’il se prête à tout ce qu’on lui demande, à la protection des raisins secs comme à cette expérience socialiste qu’on est en train d’inaugurer.

Eh ! sans doute, rien n’est plus prévoyant et plus juste que de s’occuper, comme on le fait aujourd’hui, des conditions du travail, du bien-être et des droits de cette immense population vouée partout, dans tous les pays, au labeur et à la peine. C’était déjà, depuis longtemps, la première des questions. C’est devenu presque une mode depuis que le jeune empereur d’Allemagne, pour sa bienvenue au trône, a publié ses rescrits socialistes et a réuni à Berlin une conférence européenne pour délibérer sur le plus grave et le plus difficile des problèmes contemporains. On suit désormais le courant. Tous les partis, depuis les radicaux jusqu’aux catholiques, semblent saisis d’une sorte d’émulation de socialisme et d’une ardeur de sollicitude évidemment sincère pour la population laborieuse. C’est à qui proposera ou appuiera des lois nouvelles pour étendre les droits des ouvriers, pour les protéger contre les accidens de leur industrie, pour les garantir dans leurs infirmités ou dans leur vieillesse par des retraites et des assurances, pour fixer les heures de travail ou les salaires, pour réglementer minutieusement le travail des femmes et des enfans. De ces lois de réforme sociale quelques-unes sont déjà votées, d’autres ont fait plus d’un voyage du sénat à la chambre des députés, ou du Palais-Bourbon au Luxembourg, et ne sont encore que des projets soumis à la discussion. On veut tout prévoir, tout régler, tout organiser. C’est fort bien dans une certaine mesure ! Le danger serait seulement de se jeter à travers ces questions à la fois si positives et si délicates avec plus d’entraînement et d’irréflexion que de maturité, de mettre