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500 REVUE DES DEUX MONDES. de Frantz, déjà sombre, s’assombrit encore, tandis que ses sour- cils se fronçaient durement. — Eh bien? dit-il. Qu’y faire? — 11 ne faut pas que vous rentriez, balbutia précipitamment la jeune fille, il ne le faut à aucun prix ! — Cependant, je ne vois ni comment ni pourquoi j’essaierais de me dérober à cette nécessité. — Même si je vous en suppliais? — Il faudrait, à tout le moins, me démontrer que je ne puis plus ou ne dois plus affronter les regards de M. de Buttencourt... Gela me sera fort désagréable, j’en conviens. Mais, après tout, une fois de plus... — C’est impossible! interrompit Marie - Madeleine avec véhé- mence. Puis elle ajouta, d’un ton plus calme : — J’ai peur... Ménagez-moi. — Peur de quoi? D’une querelle?.. Sous quel prétexte? La der- nière fois que j’ai vu M. de Buttencourt, je lui ai pour ainsi dire annoncé, devant sa femme et devant vous-même, mon mariage avec vous. S’il y avait eu là matière à querelle, ce serait déjà réglé... Non, ces sortes de solutions, qui ne résolvent rien et com- promettent tout le monde, même des innocens parfois, ne sont guère de mon goût. Je suis prêt à les accepter, si l’on fait mine de me les imposer, mais je ne les recherche point. D’ailleurs, je ne me reconnais pas le droit de mettre M me de Buttencourt en deuil de son mari, qu’elle aime, et dont elle ignore les plus graves torts... Soyez donc tranquille... Tant que, sous un prétexte ou sous un autre, on ne me provoquera pas... — Mais, si l’on vous provoque? — C’est peu probable, vous en conviendrez. M. de Buttencourt n’a pas déjà un si beau rôle... — N’importe! Si c’est peu probable, c’est possible tout au moins, et cela suffit pour m’effrayer. . . N’aurez-vous aucune pitié, vous qui invoquez sans cesse vos droits à la pitié, de mes inquié- tudes et de mon effroi?... Songez à ce que seraient mes remords, ma douleur... Enfin, songez à moi, puisque vous m’aimez! et prou- vez que vous n’êtes pas un homme comme les autres, en vous mettant au-dessus de ce qui les domine ordinairement : l’égoïsme et la violence. — Je vous le promets, Marie-Madeleine... Je vous promets d’être calme. Ce fut tout ce qu’elle en obtint d’abord. — Ce n’est point assez, dit-elle tout à coup. Je vois bien que tout est à la merci d’un mot, d’un regard. . . Eh bien ! c’est moi qui