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convoi de galiotes hollandaises que Monk et Dean voulaient lui enlever.

Tels étaient, dans la tactique de marche d’autrefois, les ordres les plus employés : de toutes ces formations, la ligne de file restait de beaucoup la plus appréciée, parce qu’elle était la plus commode pour les capitaines, sinon pour le commandant en chef. D’ailleurs, à mesure que les escadres, composées d’unités plus coûteuses et plus puissantes, devenaient aussi moins nombreuses, à mesure que les vaisseaux mieux voilés et mieux construits devenaient plus rapides, on voyait s’atténuer le grave inconvénient de cet ordre tout en longueur… Disons surtout que la ligne de file était à la fois un ordre de marche acceptable et l’ordre de combat à peu près indiscuté : en l’adoptant on n’avait pas à évoluer devant l’ennemi, et cet avantage emportait tout.

A la vérité, il n’en était pas de même d’un élément des armées navales qui, jusqu’au commencement du XVIIIe siècle, a joué un rôle important dans les combats de mer, j’entends les galères : ces navires, qui employaient la voile pour la navigation courante, mais qui combattaient à l’aviron en présentant la proue à l’ennemi, avaient adopté un ordre de combat différent de l’ordre de marche : ils naviguaient en ligne de file ou en colonnes et combattaient en ordre de front, quelquefois en avançant les deux ailes pour former une sorte de croissant.

Mais de 1733 à 1866, pendant près d’un siècle et demi, les navires qui se battaient en présentant l’avant à l’ennemi disparurent de nos mers, et ce long intervalle, où se consolidait le triomphe de la ligne de file, vit grandir l’importance des évolutions régulières qui permettaient de passer sans confusion, sans abordages, de cet ordre primordial à tous les autres.

Ce fut sous Louis XVI que la science des évolutions, favorisée par les recherches de l’Académie de marine et par les progrès des constructions navales, atteignit son apogée. Malheureusement cette supériorité de la tactique de marche devait avoir pour conséquence une réelle infériorité de la tactique de combat, parce que l’on ne sentit pas assez vivement que, si la navigation normale d’une grande flotte pouvait s’accommoder de règles inflexibles destinées à assurer la sécurité et le bon ordre, les circonstances variées du combat exigeaient plus de souplesse, plus de liberté dans les formations, et devaient autoriser les chefs de division, les commandans même, à prendre, sous leur responsabilité, l’initiative d’une manœuvre urgente, d’un mouvement décisif.

Le temps marchait cependant, et ce siècle naissait où la science, poursuivant l’idéale conquête de l’énergie, distribuait aux