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l’approche d’une armée de secours maintenait tous les habitans dans une attitude hostile à notre égard. Il fallut détacher du siège des troupes qui eurent un premier engagement à Saffet. On fit soutenir Junot par la division Kléber, pour disputer à l’ennemi le passage du Jourdain. Le général en chef le suivit avec la division lion. On remporta, le 16 avril, une grande victoire, au Mont-Thabor, et l’armée turque se dispersa, nous laissant des approvisionnemens considérables.

En même temps, Djezzar, qui avait voulu profiter de l’affaiblissement du corps de siège pour faire, avec le concours des Anglais, une grande sortie, avait été rejeté dans la place avec de grandes pertes. L’armée rentra au camp d’Acre victorieuse et le moral des troupes se releva notablement. Le siège fut continué. De l’artillerie et des munitions arrivèrent de Jaffa.

Le 7 mai, on vit paraître une escadre turque qui amenait à la garnison des renforts importans. Ne voulant pas leur donner le temps de débarquer, on bombarda aussitôt la place et on ordonna, pour la nuit suivante, un grand assaut. On pénétra dans la ville ; toutes les rues étaient barricadées, les maisons crénelées. Elles étaient vaillamment défendues par une armée, il fallut y renoncer. Deux cents hommes de la division Lannes furent pris dans une mosquée où ils s’étaient retranchés. Sydney Smith sauva les survivans en déclarant qu’ils étaient les prisonniers des Anglais. Le dernier assaut fut donné le 16 mai.

Le 19 mai, le général en chef reconnut qu’il fallait renoncer à prendre Acre, qu’il n’y avait plus qu’à lever le siège et à s’en retourner en Égypte. On avait passé, devant cette bicoque, deux mois. On avait livré quatorze assauts ; on avait fait des pertes irréparables parmi lesquelles le général Caffarelli ; les colonels Boyer, de la 18e ; Venoux, de la 25e ; la saison des débarquemens approchait, et l’on annonçait comme imminente l’arrivée d’une autre armée turque vers les bouches du Nil. Le général en chef éprouvait le plus violent désappointement. Sa colère éclatait surtout contre Sydney Smith et contre les Anglais, avec qui il avait interdit sévèrement aucune communication. Plus tard, on a attribué au général Bonaparte ces paroles : « Si j’avais pris Acre, j’allais à Constantinople et j’y aurais fondé ma dynastie. » Aux motifs que nous avons indiqués plus haut pour entreprendre l’expédition de Syrie et dont la bataille du Mont-Thabor a prouvé la réalité, il faudrait donc ajouter des considérations ambitieuses et purement personnelles. Bonaparte ne pouvait espérer traverser, avec 10,000 ou 12,000 hommes, toute l’Asie-Mineure occupée par les Turcs et atteindre le Bosphore. Les flottes anglaise et turque ne lui auraient